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MOÏSE DE KHORÈNE
pays des Arméniens; si enfin il tenait la place de
monarques généreux ou fainéants. Ayant trouyé
un syrien, Mar Apas Catîna, homme profond et
très-versé dans les lettres grecques et chaldéennes,
il l'envoya avec de riches présents chez son frère
aîné Arsace, en le priant de lui ouvrir les archi–
ves royales. Valarsace écrit à son frère une lettre
ainsi conçue :
CHAPITRE I X ( i ) .
Lettre de Valarsace, roi des Arméniens a Arsace
le Grand, roi des Perses.
«
A Arsace, souverain couronné de la terre
et de la mer, toi, de qui la personne et l'image
sont semblables à celles de nos dieux, dont la
fortune et les destinées sont au-dessus de celles
de tous les rois, dont les conceptions sont aussi
vastes que l'étendue du ciel sur la terre, Va-
larsace, ton frère cadet et ton compagnon d'ar–
mes , par ta grâce roi des Arméniens, salut et vie*
toire à toujours! L'ordre que tu m'as donné
d'allier la sagesse à la vaillance, je ne l'ai, jamais
oublié ; j'ai veillé sur toutes choses, autant que
me l'oat permis mes
forces
et mon habileté.
Maintenant que ce royaume est solidement établi
par tes soins, il m'est venu à l'esprit de con–
naître quels furent les princes qui avant moi ont
régné sur le pays des Arméniens, et d'où vien–
nent les satrapies qui y sont établies. Car i c i ,
il n'y a point de règlements connus, ni de culte
déterminé; on ne sait qui est l'homme le plus
considérable du pays, et qui est le dernier. Rien
n'est réglé ; tout y est confus et à l'état sauvage.
«
Je supplie donc ta majesté de faire ouvrir
les archives royales à celui qui se présentera
devant ta vaillante majesté. Après avoir trouvé
ce que désire ton frère, ton fils, il s'empressera
de lui rapporter des documents authentiques.
Notre satisfaction venue de l'heureux succès de
nos désirs, est, je le sais, un sujet de joie pour
toi. Salut, toi, illustré par ton séjour parmi les
immortels. »
Arsace le Grand, ayant reçu la lettre des
mains
de Mar Apas Catina, ordonna avec plaisir et em–
pressement de lui ouvrir les archives de Ninive ;
heureux qu'une si noble pensée fut venue à son
(1)
A partir de cet endroit jusqu'à la lin du récit de
Mar Apas Catina, nous renvoyons le lecteur, pour les
annotations, au 1
er
volume de la Collection (p. 13 et
suiv. ), où les fragments de l'histoire de l'annaliste sy–
rien ont été publiés intégralement d'après le livre de
Moïse de Khorène
frère, auquel il avait remis la moitié de son em–
pire. Mar Apas Catina, ayant examiné tous les
manuscrits, en trouva un, en grec, sur lequel,
dit-il, était cette suscription :
«
COMMENCEMENT D U L I V R E .
«
Ce livre fut, par ordre d'Alexandre le Macé–
donien , traduit du chaldéen en grec, et contient
l'histoire des premiers
ancêtres. »
Le commencement de ee livre traite, dit-il,
de Zérouan, de Titan et de Japhétos; chacun
des personnages célèbres des trois lignées de ces
trois chefs de race y est inscrit par ordre, cha–
cun à sa place, durant de longues années.
De ce livre, Mar Apas Catina, ayant extrait
seulement l'histoire authentique de notre nation,
la porta au roi Valarsace à Medzpin, écrite
en caractères grecs et syriens. Valarsace le beau,
habile à tirer l'arc, prince éloquent, ingénieux
et subtil, estimant cette histoire comme l'objet
le plus précieux de ses trésors, la place dans son
propre palais, pour qu'elle y soit gardée en sû–
reté, et en fait graver une partie sur la pierre.
Ainsi, assuré de l'authenticité et de l'ordre
des événements, nous les répétons ici pour satis–
faire ta curiosité. L'histoire de nos satrapies y
est prolongée jusqu'au Sardanapale des Chal-
déens, et même au delà. Voici dans ce livre le
commencement des récits :
«
Terribles, extraordinaires étaient les pre–
miers dieux, auteurs des plus grands biens dans le
monde, principes de l'univers et de la multipli–
cation des hommes. De ceux-ci se sépara la race
des géants, doués d'une force terrible, invinci–
bles, d'une taille colossale, qui, dans leur or–
gueil, conçurent et enfantèrent le projet d'élever
la tour. Déjà ils étaient à l'œuvre : un vent fu–
rieux et divin, soufflé par la colère des dieux,
renverse l'édifice. Les dieux, ayant donné à
chacun de ces hommes un langage que les au–
tres ne comprenaient pas, répandirent parmi
eux la confusion et le trouble. L'un de ces hommes
était Haïg, de la race de Japhétos, chef re–
nommé, valeureux, puissant et habile à tirer
l'arc. »
Un tel récit doit s'arrêter ici, car notre but
n'est pas d'écrire l'histoire universelle, mais de
nous effprcer de faire connaître nos premiers
ancêtres, nos anciens et véritables aïeux. Or, en
suivant ce livre, je dirai : Japhétos, Mérod, Si-
rat, Taglat, c'est-à-dire Japhet, Gomer, Thiras,
Thorgom ; puis le même chroniqueur, poursufr
Fonds A.R.A.M