60
MOÏSE DE KHORÈNE.
«
Titan et Japhet, dit-elle, s'opposèrent à l a
tyrannie de Zérouan, et lui déclarèrent la guerre.
Car Zérouan pensait faire régner ses enfants sur
tops [les autres]. Dans ce conflit, dit-elle, Titan
conquit une partie du territoire de Zérouan;
mais Asdghig
(
i),
leur sœur,
s
'
interposant entre
eux, fit cesser la querelle. Ils consentirent à laisser
régner Zérouan, mais [ils convinrent], par un
pacte juré, de faire mourir tous les enfants mâles
qui naîtraient de Zérouan pour qu'il ne régnât
pas toujours sur eux dans sa postérité. C'est pour–
quoi ils chargent plusieurs robustes Titans de
surveillerles enfantements des femmes de Zérouan.
Déjà deux mâles sont immolés pour maintenir le
pacte juré, quand Asdghig, sœur de Zérouan,
de Titan et de Japhétos, d'accord avec les fem–
mes de Zérouan, médite de persuader et de dé–
terminer plusieurs Titans à laisser vivre les autres
mâles et à les transporter en Occident sur la mon–
tagne appelée
Tutzenguetz
(2),
actuellement l 'O–
lympe
(3).
Quoique ce récit soit tenu pour fabuleux ou
réel, moi, dans ma conviction, j'y trouve beau–
coup de vérité; car Épiphane, évéque de Cons–
tance en Chypre, dans sa Réfutation des Héré–
sies, dans laquelle il s'applique à démontrer que
Dieu est sincère et équitable dans ses jugements,
même en exterminant les sept races par les mains
des fils d'Israël, s'exprime ainsi : « C'est avec
.
justice que Dieu détruisit*et fit disparaître ces
races de la présence des fils d'Israël, car la terre
de ces possessions était échue en partage aux en–
fants de Sem, et Cham l'occupa et s'en empara.
Or Dieu, maintenant le droit des traités jurés,
punit la race de Cham, en lui enlevant l'héritage
de Sem (4). » I l est fait mention des Titans et
des Réphaïm dans les divines Écritures (5).
Mais relativement à ces anciens discours tenus
autrefois par les sages de la Grèce et transmis
jusqu'à nous par les [hommes] appelés Gorgias (?),
Korki , Panan et par un autre nommé Da-
(1)
Cf. notre Collection t , I , p. 168, note 2, et p. 388,
note6, et, pour plus de détails,Indjidji,
Antiq. de l'Arm.,
t.
III, p. 60, 166
et passim.
(2)
Ce mot est un composé, qui veut dire « rebut
des dieux
(3)
Comparer tout ce récit avec le Hv. m des
Oracula
sibyllina
,
Vers 116 à 141 (éd. de M. Alexandre, t. I ,
p. 102-105).
(4)
Cf. saint Épiphane,
Œuvres,
1.1,
p. 704 (éd. Co–
logne, 1682 ) , et Thomas Ardzrouni (
Hist. des Ardz.,
p. 17) qui cite également ce Père de l'Église, à propos
de
la
division des trois races humaines.
(5)
Genèse, XIV, 5; XV, 20. —Josué, XII, 14 ; XIII,
12. —
I, Parai., XX, 4
Judith, VIII, 1
et passim.
1
vid (1), i l convient, quoique brièvement, de les
redire. Un d'eux, profond philosophe, parlait
ainsi : « Vieillards, lorsque je cultivais la science,
au milieu des Grecs, il arriva
qu
'
un jour il y
eut entre ces sages et ces savants une discussion
touchant
la
géographie et
la
division des
nations.
Les uns d'une manière, les autres d'une autre,
citaient les livres; or, le plus profond de tous,
Olympiodore (a), s'exprima ainsi : « Je vous rap–
porterai, dit-il , les discours non écrits, parvenus
par la tradition, discours que répètent encore
aujourd'hui beaucoup de paysans. I l existe un
livre relatif à Xisuthre et à ses enfants, livre
qu
'
on ne voit plus nulle part, où l'ordre des
faits se trouve ainsi fixé :
«
Après la navigation de Xisuthre en Arménie
et son débarquement sur la terre ferme, un de
ses fils, appelé Sun,• s'en va , est-il dit, au nord-
ouest pour reconnaître la contrée. Arrivé au
pied d'une montagne à la large base qui forme
une plaine arrosée par des fleuves qui se rendent
en Assyrie, i l s'arrête sur les rives de ce fleuve
[
l
'
espace de] deux heures, et appelle la
montagne
de son nom, Si m
(3);
puis il retourne au sud-
est, d'où i l était parti. Un de ses plus jeunes /ils,
nommé Darpan, avec ses trente fils, ses quinze
filles et leurs époux,
s
'
étant séparé- de son père,
retourne
s
'
établir sur les rives du fleuve. Si
ni,
du
nom de son fils, appelle cet endroit Daron (4) »
et le lieu où il
a
habité lui-même
Tzéronh
(
dis–
persion), car ce fut là que pour la première fois
(1)
Cf.
notre Collection,
t. I, p. 388,
notes
3, 4.
(2)
Cf. notre Collection, 1.1, p. 388, note 5, cel. 2.
(3)
Cf. notre Collection, t. I, p. 34, note 3, col. 1.
(4)
Le canton de Daron, l'un des seizedistricts de la pro–
vince de Douroupéran, est assurément le plus connu <lc
tous, car il a été souvent cité par les Grecs, les Latins
et les Arméniens. Il parait que souvent le canton de
Daron donna son nom aux cantons environnants et même
à la plus grande partie du Douroupéran. (Indjidji,
Arm.
une, p.89et suiv.)—Saint-Martin
(
Mém. sur l'Ami.
, 1.1.
p. 98-99 ). Strabon dit que le canton de Daron fut enlevé
par Artaxias aux Syriens (Géogr., liv. XI, ch. 14, § 5).
On sait du reste que ce pays, malgré son annexion à
l'Arménie, fut toujours regardé par les Syriens comme
faisant partie de leur habitation, et, même après la con–
version des populations de ce pays au christianisme, le
canton de ' Daron était encore peuplé de Syriens. Les
principaux couvents, notamment celui de Saint-Jean-
Précurseur, restèrent en la possession de moines syriens
pendant assez longtemps (Zénob de Glag,
Hist. de Da–
ron,
dans notre Collection, 1.1, p. 337, et Jean Mamigo–
nien,
Cont in. de cette Histoire, p.
382,
Mémorial).
L'histoire du canton de Daron est une des histoires par–
ticulières qui nous est le plus connue, grâce aux livres
de Zénob et de Jean Mamigonien, que nous venons de
citer.
Fonds A.R.A.M