INTRODUCTION
Moïse de Khorène naquit dans la seconde moitié
du quatrième siècle, à Khorni, appelé aussi Kho-
ronk, bourg assez considérable du canton de
Daron (i). C'est le nom de son lieu de naissance
qui a fait désigner Moïse par le surnom de
Kho~
rénatzi,
et quelquefois
Daronetzi
(
de Daron), que
les Arméniens emploient pour le distinguer de
ses homonymes
(2).
Son oncle Mesrob
(3)
prit soin
de son éducation, et bientôt Moïse se fit remar–
quer parmi ses condisciples par son zèle et son
aptitude à seconder les intentions de ses maîtres
et de ses protecteurs. Moïse fut bientôt désigne
par le choix du saint Sahag, comme l'un des
missionnaires que, sur Tordre du roi Vram-Scha-
pouh, le patriarche de l'Arménie envoya en
Syrie, en Egypte et en Grèce pour se perfection–
ner dans l'étude des langues. I l visita d'abord le
canton de Siounie, puis Édesse, centre des études
littéraires de la Syrie, Antioche, Alexandrie,
Byzance, Athènes et Rome
(4).
Dans ces diffé–
rentes villes, il s'attacha à des maîtres habiles qui
tenaient école ; il fréquenta les bibliothèques et
les archives, et s'adonna avec ardeur à l'étude
des langues syriaque et grecque. L a tradition ra–
conte aussi qu'il avait acquis une grande re–
nommée comme rhéteur, et que l'empereur Mar-
cien lui prodigua publiquement des éloges sur sa
science et sur son érudition (
5).
De retour dans sa patrie, après ses lointaines
pérégrinations, Moïse trouva l'Arménie dans un
(1)
Zénob de Glag,
Hist. de Daron,
p. 350 du 1
er
vol.
de notre Collect. des hist. arm. — Tehamilch,
Hist.
dPArm.,
t. I, p. 402, 412, 539, t. III, p. 21. — Indjîdji,
Armén. anc,
p. 106.— Saint-Martin,
Mem. sur l'Ar–
ménie,
t. 1, p. 102.
(2)
Sukias de Somal,
Quadro delta storia leiteraria
di Armenia.
p. 35 , 37, 42. 44, 61, 62, 110. 153, 154,
159, 197.
(3)
Mesrob, surnommé Maschdotz, le coopérateur de
saint Sahag, patriarche d'Arménie, dont la vie a été écrite
par Gorioun. —Cf. plus haut, p. 1 et suiv.
(4)
Moïse de Khorène,
Hist. d'Arm.,
liv. I I I ,
eh. 61, 62.
\ •
(5)
Cf. Karckin,
Hist, de la lit ter. arm.
(
en arm. ),
page 244.
47
état complet d'anéantissement. Le trône des rois
était renversé; saint Sahag et Mesrob étaient
morts ; et tous les efforts que ses maîtres avaient
faits pour lancer l'Arménie dans la voie de la
science et du progrès venaient d'être frappes
d'une désolante stérilité. Les Arméniens, plus
préoccupés des événements qui s'étaient accom–
plis que du moyen d'en conjurer le retour
(1),
se montraient indifférents envers les savants qui
seuls pouvaient les consoler dans leur infortu–
ne (a). Aussi Moïse et ses compagnons, décou–
ragés par l'insouciance de leurs compatriotes,
prirent le parti de se retirer dans la solitude.
Moïse vécut ainsi dans l'isolement et la pauvreté
pendant dix ans de sa vie.
Cependant l'oppression que les Perses faisaient
peser sur l'Arménie commença à être moins dou–
loureuse ; la tyrannie des Sassanides se lassa de
répandie le sang des vaincus, et le patriarche
Kiud, étant monté sur le siège pontifical, appela
auprès de lui ses anciens compagnons d'étude.
Moïse ds Khorène, qu'une circonstance imprévue
ramena auprès du patriarche, fut consacré par
lui, \ la mort d'Eznig de Goghp, comme évéque
de Pakrévant et des Arscharouni
(3).
Aussitôt ar–
rivé dans son diocèse, Moïse ouvrit des écoles
et attira auprès de lui de nouveaux disciples;
c'est du moins ce que raconte la tradition, qui
s'est plu à entourer la vie de Moïse d'une foule
de circonstances particulières, dont l'histoire n'a
pas conservé le souvenir.
On ne saurait fixer avec exactitude l'âge qu'at–
teignit Moïse de Khorène, qui parvint, à ce que
l'on croit, à une extrême vieillesse. Selon un his–
torien arménien, il aurait prolongé sa vie jusque
sous le règne de Zenon, en
487
,
et serait mort
âgé de plus d'un siècle
(4).
Tout ce que l'on sait
(1)
Moïse de Khorène,
Hist. d*Armén.,
liv. III, ch.
55,68.
(2)
Moïse de Khorène,
opus cit.,
liv. I, ch. 3.
(3)
Saint-Martin,
Mém. sur PArm.,
t. II, p. 302.
(4)
ThomasArdzrouni,
Hist. des Ardzrouni
(
en arm.),
p. 82 (Constanlinopie, 1852, in-8°).
Fonds A.R.A.M