INTRODUCTION
Il existe dans la littérature arménienne plu–
sieurs biographies de saint Nersès le Grand, sur–
nommé le Parthe, arrière-petit-fils de saint Gré–
goire l'Illuminateur, et qui occupa le siège pa–
triarcal de l'Arménie de l'an
34
o à l'an
374
de
notre ère. Ces biographies ont une très-grande
analogie avec les récits de Faustus de Byzance, de
Moïse de Khorène, des Vies des Saints et d'autres
écrits hagiographiques qui nous ont été conser–
vés. On reconnaît, en lisant ces biographies,
qu'elles ont toutes une origine commune. Cepen–
dant il est très-difficile de dire quelle est la plus
ancienne de toutes, et il serait même téméraire
d'avancer que la biographie que nous publions
a précédé ou suivi celle de Faustus de Byzance,
avec laquelle elle a du reste la plus grande analo–
gie. Le choix que nous avons fait de la Biographie
que nous publions est dû à l'antiquité même de
l'ouvrage, qui est antérieur de plusieurs siècles à
l'écrit de Mesrob le prêtre. On reconnaît que l'au–
teur de la Biographie est un écrivain de l'âge
d'or de la littérature arménienne, et, malgré des
interpolations assez considérables qui ont été
introduites postérieurement et à plusieurs re–
prises, il est facile de voir que nous avons affaire
à un texte très-ancien. Malheureusement nous
ne saurions dire avec certitude quel est l'auteur
de cette biographie. Le savant éditeur du texte
dont nous publions la traduction n'hésite point à
croire que le nom deMesrob, qu'on lit dans cette
Biographie
(1),
indique que ce fut lui qui écrivit
le premier la vie du patriarche Nersès, ou bien
qu'il la raconta en détail à l'un de ses disciples
qui la rédigea sous ses yeux. I l ajoute que, parmi
les disciples de Mesrob, il n'y.a guère que Moïse
de Khorène, son neveu, qui ait pu composer cette
Biographie, et il appuie son hypothèse sur un
fait capital. Des savants qui ont eu l'occasion
d'étudier les manuscrits du couvent de Saint-
Jacques, à Jérusalem, assurent qu'il existe parmi
les manuscrits de ce riche monastère une
Histoire
(1)
Petite Biblioth. armén., t. VI, p. 137, note 129.
de Nersès
dont l'auteur serait Moïse de Khorène.
Mais le savant éditeur, malgré son vif désir de
voir le nom du plus grand historien de l'Arménie
associé à celui d'un des plus illustres patriarches
de sa nation, fait observer toutefois qu'il existait
jadis une
Histoire des Martyrs d?Orient
traduite
du syriaque par un certain Abraham, dont
le prêtre Mesrob, qui rédigea lui aussi, an
dixième siècle, une Biographie de saint Nersès,
aurait tiré ses renseignements. Ce détail nous
est fourni par le
mémento
d'un manuscrit de
la Biographie de saint Nersès par Mesrob, qui
est ainsi Conçu : « En l'an
416
de l'ère arménienne
( 967-968
de l'ère chrétienne), sous l'adminis–
tration du seigneur Vahan, patriarche d'Armé–
nie
(1
),
au temps d'Aschod le Bagratide, roi d'Ar–
ménie
(2),
delà maison de Schirag, moi Mesrob,
humble prêtre, de la vallée de Vaï, du village de
Hoghotzim
(3),
d'où était le bienheureuxmartyi
Joseph, au temps de saint Vartan
j'ai extrait
cet ouvrage, avec un grand amour, de ce qui
reste de l'Histoire d'Orient....; je l'ai donné ensuite
à mon filleul par le saint baptême, Vahan leMa-
migonien, dans le village appelé Varji. »
Pendant assez longtemps, la Biographie de
saint Nersès, dont nous publions aujourd'hui la
traduction, avait échappé aux recherches, et
c'était l'ouvrage de Mesrob, écrivain très-mé–
diocre,
uomo di médiocre ingegno,
comme le qua–
lifie l'illustreSukias de
Somal
(4),
qui était le mo–
nument historique le plus souvent invoqué, tou–
chant saint Nersès. Cet écrit de Mesrob, dont il
existe de nombreux manuscrits, fut publié dans
(1)
Vahan ou Vahanig, évéque deSiounie, siégea de
965
jusqu'en 970, époque de sa déposition dans le concile
convoqué cette dernière année.
(2)
Aschod III le Miséricordieux, surnommé Schah-
Armen, régna de l'an 952 à l'an 977.
(3)
Village de la province de Siounie, dont parlent La –
zare de Pharbe, Moïse de Khorène (III, 67) et d'autres
historiens.
—
Cf. Inujidji,
Armén. anc,
p. 255-256.
(4)
Quadro délia storia....
p. 63.
—
Cf. aussi Karé–
kin,
Hist. de la litt. armén.,
p. 629. .
19
2.
Fonds A.R.A.M