L I V R E TROISIÈME.
Aristaguès ( i ) , fils cadet de ce dernier, pendant
l'apostolat de son père, fut son coopérateur actif
durant toute sa vi e , jusqu'au jour de sa mor t ,
quand i l fut rappelé par le Christ
(2).
On avait
préparé pour tous les deux des sépultures dignes
de les recevoir : Grégoire le Grand fut enterré
dans le village de Thortan, au canton de Tara -
nagh. Quant à son fils Aristaguès, après sa mort
de confesseur, son corps fut emporté du canton
de Dzop et enseveli dans le bourg de Thil au
canton d'Eghéghiatz, dans les domaines de son
père Grégoire (3).
CHAP I TRE I I I .
Règne de Chosroès, fils de Tiridate. — Patriarcat
de
Verthanès, fils
du grand pontife Grégoire.
Aussitôt après, le trône [d'Arménie] fut occupé
par Chosroès [II] Kotac
(4)
,
petit-fils de Chos–
roès [ I ] , fils du vaillant et* vertueux roi T i r i –
date. Sous son règne, vivait Verthanès, fils
aîné de Grégoire, qui , à l'exemple de son père
et de son frère, occupa le siège du premier et
devint [grand] pontife
(5).
E n ce temps-là, ré–
gnaient la paix, l'ordre, la fécondité, la santé ,
la richesse, un zèle et un grand amour pour le
bien qui se propageaient partout. Saint Vertha–
nès, suivant l'exemple de son père et de son
frère, ne faisait qu'éclairer le peuple et le gui –
der [dans la voie du bien]. C'était une époque où
la justice et la probité florissaient. Vers ce même
( 1 )
Arisdaguès, ouRhesdaguès, occupa le trône pontifical
de l'Arménie de l'an 306 à l'an 314 de J.-C.
(2)
Agathange est entré dans quelques détails sur l'ac–
tivité de Rhesdaguès, fils cadet de saint Grégoire, dans
son
Histoire de Tiridate.
Cf. plus haut, ch. cxxiu,
g 159, pag. 183.
(3)
Moïse de Khorêne (
Hist. d'Ami.,
liv. I I , ch. 89
et 91, liv. III, ch. 2 ) précise Fendroit où saint Grégoire
fut enterré ; ce fut dans l'antre de Mané sur la montagne
où il s'était retiré de son vivant. Rhesdaguès, qui avait
succédé à son père, fut tué par Archélaus, proconsul de la
Quatrième Arménie, qui l'assassina dans le canton de
Dzop. Ses disciples enlevèrent son corps, le portèrent
dans la localité indiquée par Faustus, où il fut enseveli.
Cf. aussi la
Vie des saints arméniens; sub nom.
SS. Grégoire et Rhesdaguès.
(4)
Le mot
kotac,
ajouté ici comme épithète au nom
de Chosroès I I , fils de Tiridate, est inconnu, et on ne
saurait en donner l'explication. Faustus est le seul auteur
qui l'ait employé. On peut supposer que ce mot a la
signification de « petit », épithète- qui avait été donnée
à Chosroès I I , dont le règne fut de neuf ans (344-353).
(5)
Moïse de Khorêne,
Hist. d'Arm.,
liv. I I , ch.
S O
et
91 ;
liv. III, ch. 2 . — Verthanès, fils aîné de saint Gré–
goire l'Illuininateur et successeur de Rhesdaguès, son
frère cadet, sur le trône pontifical, administra l'Église
d'Arménie, de l'an 314 à 330 de J . -C .
211
temps, le pontife Verthanès, partit pour aller
visiter la première et grande mère des églises a r –
méniennes , dans le pays de Daron, où jadis, du
temps du grand pontife Grégoire, les autels des
temples païens furent détruits par l'effet d'un mi –
racle
( 1 ) .
Arrivé là, i l se préparait, comme i l
avait l'habitude de le faire, à renouveler le sacri–
fice que le Seigneur avait offert sur la croix pour
notre salut et communier en souvenir de la Pas –
sion, c'est-à-dire avec le corps et le sang v i v i –
fiants du Fils de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-
Christ. Car c'est ainsi que les pontifes arméniens,
avec les rois, les grands, les satrapes et une foule
immense de gens du pays, venaient ordinaire–
ment honorer les localités où, dans le c om–
mencement , on ne voyait érigées que les sta–
tues des idoles, les localités qui, purifiées au nom
de la divinité , devenaient une maison de prières
et un lieu de dévotion pour tous. Là surtout,
dans ce centre principal de l'Église, on se réu–
nissait sept fois l'année en commémoration des
saints qui y reposaient; c'était avec une prédi–
lection prononcée qu'on se rendait aussi à la
chapelle du grand prophète saint Jean-Baptiste.
Ce rendez-vous se faisait chaque année dans les
églises placées sous l'invocation des apôtres, dis–
ciples du Seigneur, et dans celles consacrées aux
martyrs, où on venait fêter avec allégresse le jour
de leur mort.
11
arriva une fois que le grand pontife Vertha–
nès , accompagné d'une suite peu nombreuse,
était venu offrir le sacrifice de la bénédiction.
Des gens, qui jusqu'alors gardaient en secret le
culte invétéré du paganisme et de l'idolâtrie, s'é-
tant réunis au nombre de deux mille, convin–
rent entre eux de tuer Verthanès, le pontife de
Dieu. Ils étaient un peu encouragés dans leur
dessein par l'épouse du r o i , que le saint répri–
mandait sans cesse au sujet de sa conduite déré–
glée. Cette foule cernait déjà la grande muraille
de l'église d'Achdichad; et, tandis que Verthanès,
entré dans le temple, célébrait la messe, la
troupe se prépara à l'assiéger du dehors. Mais ici
un miracle s'accomplit; les bras des gens qui
faisaient partie de la troupe se replièrent sur
leurs dos ; et de cette manière tous se sentirent
attachés, sans avoir été liés par personne. C'est
ainsi que tous ces gens frappés de stupeur, plies,
garrottés, accroupis, gisaient sur le sol , ne pou–
vant bouger de leur place : c'étaient des hommes
de la race sacerdotale qui ne faisaient que sacca-
(1)
Agathange,
Hist. de Tiridate,
pag. 173, ch.
gxiv,
g 16, — Zénob de Glag,
Hist. de Daron
,
pag. 36 de la
traduct- franc.
14.
Fonds A.R.A.M