«
Est-il vrai qu'aux abords du XX
e
siècle, à cinq jours de Paris, des
atrocités aient été impunément commues — couvrant tout un pays d'hor–
reur — telles qu'il ne peut s'en concevoir de pires dans les temps de la
plus noire barbarie ?
Est-il vrai que le nombre des victimes se doit chiffrer par dizaines et
vingtaines de mille ?
Est-il vrai que les gouvernements d'Europe aient assisté avec indiffé–
rence à cet effroyable spectacle et n'aient rien trouvé de mieux à faire,
quand le pillage, l'assassinat en masse, le viol, l'incendie, les supplices
faisaient rage, que de discuter avec le chef d'Etat responsable de ces
horreurs?... ».
Oui tout cela est vrai des massacres d'Arménie, très vrai; et ces phrases
n'expriment pas des doutes, mais des cris d'indignation dans la pensée de
leur auteur; car nul mieux que lui n'a connu et compris ces égorgements,
et l'on n'en peut trouver une analyse plus saisissante et plus exacte que
celle-ci qui est la sienne : — << On invite les Arméniens à déposer leurs
armes, on les menace de mort s'ils n'obéissent pas; le vali leur garantit
pleine sécurité et aussitôt qu'ils sont sans défense, Kurdes, Circassiens,
Turcs, conduits par des Redifs, des Hamidié, des officiers de l'armée régu–
lière — si un tel mot peut être ici d'usage — se ruent sur les maisons,
pillent et incendient les boutiques, égorgent tout être de la race haïe, sans
distinction de sexe ni oVâge, violent les femmes ou les emmènent, se récréent
dans les tortures infligées aux hommes pour leur faire abjurer leur foi,
soîtillent les églises, écorchent ou brûlent les prêtres, et promènent p
dérision les nouveaux convertis sous les pierres de la foule après les avoir
préalablement circoncis et leur avoir imposé les actes qui attestent le
reniement de leurs croyances. Enfin, quand il n'y a plus d'hommes à tuer
ou de filles à violer, on contraint à coups de bâton les survivants à signer
des adresses au Sultan, où ils se reconnaissent les auteurs des désordres,
déclarent que ceux qui ont trouvé la mort ont étéjustement frappés, remer–
cient le souverain de sa clémence... », etc.
Justement ému de l'inertie des puissances européennes devant de telles
horreurs, le même écrivain peut donc à bon droit s'écrier :
«
La vérité est connue et la tartuferie de nos diplomates d'Orient ne
petit plus abuser que des complices de l'universelle lâcheté...
Fonds A.R.A.M