Les grands massacres de 1895-96 avaient épar–
gné cette région. Dans une étude
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qu'il a consa–
crée à l'affaire de Cilicie, Mgr Moucheg, arche–
vêque d'Adana, affirme que plus tard un plan de
tuerie fut préparé pour cette région, qui faillit
être exécuté à deux reprises différentes, en 1906
et 1907. C'est Bahri pacha, alors gouverneur gé–
néral d'Adana, qui aurait déjoué ce projet. Bahri,
disent les Turcs, avait été gagné moyennant finan–
ces par ses administrés chrétiens. Quoi qu'il en
soit, ce fonctionnaire a souvent eu à défendre les
Arméniens de son ressort, qui , au cours de ces
dernières années, étaient l'objet d'une sourde an i -
mosité de la part des musulmans. Cette animosité
était motivée, d'abord, par l'immigration intermit–
tente dans la plaine de Cilicie de familles armé–
niennes de l'intérieur, que chassaient la misère et
les déprédations des Kurdes ; ensuite par la
prospérité, la richesse de la population chrétienne
de cette province. Dans le mouvement de mi gra –
tion, d'ailleurs très restreint, les Turcs croyaient
découvrir une arrière-pensée politique : pour eux,
si les Arméniens venaient s'établir dans la plaine,
déjà peuplée d'un élément congénère suffisamment
dense, ce ne pouvait être qu'en vue de mieux
préparer un soulèvement. Quant à leur bien-être
matériel, à leur essor économique, i l semble que
les aghas turcs le regardaient d'un œil jaloux et
qu'ils songeaient, au dire des Arméniens, à l ' ar -
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L e s
Vêpres Ciliciennes,
Alexandrie, 1909.
Fonds A.R.A.M