Rendons-nous compte : c'est facile, car l a
lumière que, hier, personne ne voulait aperce–
voir, au j o u r d ' hu i nous aveugle d'un éclat
effrayant.
D'un côté, l'impuissance des Puissances avait
réveillé les passions de l a Turquie. Elle avait
pillé et massacré u n d em i - m i l l i o n de chrétiens,
et personne en Europe n'avait osé « lever le
petit doigt » , d i t Lepsius, q u i , témoin oculaire
et auriculaire, ajoute : « L ' o r gu e i l musulman ne
connaît plus de bornes » , et l ' on répète dans
les rues : « Quand donc le Sultan expulsera-t-il
les Anglais d'Egypte? » (1).
De l'autre côté, l ' Al l emagne avait senti dans
l a paralysie des uns et dans l a fièvre des autres
une double force p o u r elle : i l l u i suffisait de
l'exploiter. L'Empereur, q u i avait discrètement
visité le Sultan avant les massacres, en 1882,
l e visita pompeusement après les massacres,
en 1898. Les conséquences du traité de Be r l i n ,
conséquence lui-même du traité de Francfort,
se précipitaient vers l a conclusion suprême.
E n 1871, « u n des Turcs les plus i n t e l l i –
gents », en même temps que les plus cruels
et les plus perfides, Ali-Pacha, au momen t
de mo u r i r , le 6 septembre, (donc quatre mois
après le traité de Francfort) (2), d i t à l ' Amb a s –
sadeur d'Autriche : « La Prusse s'efforcera de
(1)
Lepsius.
L'Arménie et l'Europe,
p. 116.
(2;
Le traité de Francfort fut signé le 20 mai 1871,
Fonds A.R.A.M