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D'après ses communications, la Porte voudrait imposer comme conditions : i° la
reddition des armes de guerre; 2° la reconstruction de la caserne par des Zeïtounlis;
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° la poursuite devant des tribunaux réguliers des chefs du mouvement.
Les Ambassadeurs ne se sont pas prononcés à ce sujet. Ils laissent aux Consuls la
liberté de donner aux insurgés les conseils crui paraîtront les meilleurs pour les faire
renoncer à la résistance et pour amener une capitulation acceptable. Tenez-moi fré–
quemment au courant par le télégraphe.
Soyez en relations constantes avec les autres agents. Sachez que l'entente des
Puissances est complète et que les Consuls doivent se tenir en parfait accord.
P. CAMBON.
N° 7 6 .
M . SUMMAIUPA, Vice-Consul de France à Mersine,
à M . P. CAMBON, Ambassadeur de la République française à Constan-
tinople.
Mersine, le 3 janvier 1896.
Ma dernière dépèche relatait à Votre Excellence le bruit que les troupes s'étaient
emparées de Zeïtoun. Rien n'est venu depuis confirmer cette nouvelle que je crois
avoir été propagée à dessein par l'autorité pour écarter tout sujet d'effervescence
dans la population turque. Ce qu i , aussi, a pu faire considérer le fait comme vrai a
été la circulaire reproduite dans la presse européenne qui représente le Gouverne–
ment turc comme exaspéré des atrocités commises par les Zeïtounistes sur leurs
prisonniers et qui aurait donné l'ordre à ses troupes d'entrer dans Zeïtoun. Comme
les Turcs pensent qu'un ordre du Sultan ne saurait être différé, les autorités ont
pensé que l'exécution avait dû suivre la décision.
Le Gouvernement, en insistant sur la rébellion de Zeïtoun, se sert habilement de
la seule arme qu'il ait pour essayer de convaincre l'Europe de son bon droit et,
pour appuyer sa cause, i l croit utile de charger les Zeïtounistes d'atrocités que les
Turcs seuls ont l'usage de commettre.
Les autorités, ici du moins, ont commencé, dès l'ouverture de l'ère des pillages
et incendies, à nier que ces faits se fussent produits et, forcées ensuite de se rendre
à l'évidence, elles en ont admis l'existence en les mettant sur le compte de chrétiens
déguisés en sostas turcs.
Je ne crois pas à la vérité de la prise de Zeïtoun par les Turcs, car un pareil succès
leur aurait fait sonner toutes les trompettes de la victoire.
Je ne crois pas non plus aux prétendues atrocités commises par des Zeïtounistes,
mais les lettres reçues de Césarée et Malatia sont remplies de détails horribles, con–
cernant les massacres de ces villes, trop réels malheureusement. A Césarée, les rues
furent littéralement rougies du sang des victimes, et on se rua ensuite dans les ma i –
sons. On compta, parait-il, 7 0 charrettes qui enlevaient les cadavres. Beaucoup de
femmes et jeunes filles furent enlevées et relâchées quelques jours après. Dans la se-
Fonds A.R.A.M