Habitée en grande partie par des Arméniens, cette région de l'Empire est la seule
où ils soient en majorité. Descendants directs des Arméniens de l'ancien royaume
d'Arménie, ils quittèrent les régions du Caucase lors de la disparition définitive de
ce dernier et se dirigeant vers la Méditerranée, ils s'établirent dans une région
montagneuse et sauvage, d'un accès très difficile et dont la nature même offrait un
asile sûr à leur indépendance.
Héritiers des mœurs rudes de leurs ancêtres, ils se sont maintenus jusqu'à nos
jours dans une quasi-autonomie de fait, analogue à celle de certaines tribus arabes
de la Mésopotamie. Les Sultans ont dû souvent entrer en composition avec eux, et
l'autorité du Gouverneur Turc qu'ils eurent définitivement à accepter ne s'exerça
jamais sans conteste.
I l n'est donc pas surprenant qu'au moment où éclatèrent les troubles d'Asie-
Mineure, le récit des massacres de leurs coreligionnaires ait profondément agité les
esprits des Zeïtounlis.
Dès le mois d'octobre, ceux-ci, sur la nouvelle maladroitement colportée par les
autorités ottomanes, que le Sultan avait repoussé les réformes conseillées par la
France, la Russie et l'Angleterre, préparèrent un soulèvement.
J'en fus informé par le Gérant de notre Consulat à Alep. Un des chefs du mou –
vement l u i annonçait le 26 octobre que 2 , 000 Arméniens armés, équipés et bien
encadrés, étaient prêts à entrer en campagne. M . Barthélémy l u i donna des conseils
de patience et peut-être aurait-on évité un soulèvement, si cet émissaire avait pu
retourner à temps à Zeïtoun pour démentir le bruit du refus des réformes. Malheu–
reusement, avant qu'il eût pu gagner la montagne, les Zeïtounlis en armes avaient
attaqué le fortin où était casernée la petite garnison turque de /ioo soldats.
Après une faible résistance, celle-ci avait capitulé; la nouvelle de cet échec a r r i –
vait à Constantinople le 3
1
octobre.
Depuis lors, que s'est-il passé à Zeïtoun? On ne le sait pas au juste. Les Arméniens
faisaient bonne garde autour de leurs montagnes et les nouvelles ont été presque
nulles. Tandis qu'à la Porte on prétendait qu'ils avaient complètement massacré la
garnison, nos renseignements nous disaient qu'ils avaient dispersé les soldats dans
les différents villages, mais sans leur faire de mal. Le commandant de la troupe et
quelques soldats seuls avaient été tués dans le combat.
La Porte envoya aussitôt un corps d'une dizaine de mille hommes, chargés de
faire le siège de la position et de reprendre le fortin. Les Zeïtounlis résistèrent éner-
giquement; malheureusement les provisions s'épuisaient. Un nombre considérable
d'Arméniens des vilayets environnants échappés aux massacres s'étaient réfugiés à
Zeïtoun. Bien que les Zeïtounlis eussent razzié plusieurs villages musulmans situés au
nord de la région, le moment approchait où la nécessité de se ravitailler les contrain–
drait à se rendre. Le cercle des troupes se rétrécissait graduellement. C'est à ce mo–
ment que les deux patriarches arméniens sollicitèrent l'intervention des Ambassades,
pour ménager une capitulation et empêcher une prise de vive force qui devait i n –
failliblement entraîner un grand massacre d'innocents. Vingt mille Arméniens de
Zeïtoun et de la région se trouvaient, en effet, cernés par les troupes. Parmi eux
2 , 000
seulement étaient armés et coupables d'insurrection; les autres, des jeunes
gens, des femmes, des enfants risquaient de subir le sort des insurgés.
DOCUMENTS DIPLOMATIQUES.
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Arménie.
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Fonds A.R.A.M