Les Arméniens, remarquant que le nombre des soldats augmentait pour les massacrer,
s'arment de courage et bravoure, dans la crainte d'une mort horrible qui les attend,
et le 16 courant, lundi matin, bloquent la caserne, combattent continuellement
soixante heures; à la fin les Turcs se sentant incapables de continuer uue guerre qui
leur serait défavorable, soldats et officiers se rendent aux Arméniens et leur consignent
les munitions et la caserne.
A présent, nous respectons humainement les soldats qui sont en esclavage à Zeï–
toun et nous n'épargnons aucune bienveillance pour leur tranquillité.
Le Gouvernement après avoir ramassé 7
, 800
soldats de réserve (rédifs) et une
bande de Bachibozouks turcs, a formé des bataillons au bord du Djehan, à
l\.
heures
de distance de Zeïtoun, et i l continue de les augmenter de jour en j our ; i l paraît
que sous peu i l a l'intention de former une forte armée pour exterminer les Armé–
niens avec des cruautés inouïes, sans pareilles et monstrueuses. Outre cela, les Ci r -
cassiens et les Bachibozouks turcs attaquent les Arméniens des villages environnants,
et ils dépouillent et gaspillent leurs biens et les massacrent; les cris déplorables de
ces Arméniens agonisants nous arrivent lamentablement et nous crient : « Secours,
secours et vengeance! » contre les atrocités d'une nation barbare. Hier les Circassiens,
unis aux bandes des Bachibozouks et des Archares, ont attaqués plusieurs villages
arméniens, pillé le bien, les céréales et les bestiaux de ces pauvres gens, violé leurs
femmes, filles et enfants, et ils ont brûlé leurs maisons. Ne se contentant pas de tous
ces pillages et d'infernales boucheries, ayant égorgé les hommes, ils ont amené chez
eux leurs femmes et leurs filles; là, les menaçant de mort, les ont forcées à se conver–
t i r ; enfin tous les villages arméniens qui se trouvent dans la plaine de Gaugissou et
aux environs sont devenus des abattoirs, formant des lacs du sang des chrétiens et
des innocents. Tous les villageois arméniens et turcs se massacrent les uns les autres;
en effet les pauvres braves Arméniens natifs de Zeïtoun ayant toujours les armes à
la main jour et nuit, sans prendre aucun repos, accourent à l'aide de leurs frères op–
primés; mais lesquels secourir? Résister à un grand régiment ennemi, qui est prêt à
les engloutir, ou aider ses frères menacés de tortures implacables par une bande
d'assassins?
I l nous est impossible de raconter en détail les horribles cruautés et les infernales
violences qui ont été commises à Ephésos.
Nous croyons qu'un accord quelconque entre nous et le Gouvernement est impos–
sible désormais; notre habitation, notre demeure ont pris la forme d'une place
d'armes.
Nous croyons que ce sera la dernière nouvelle que vous aurez de nous ; nous crai–
gnons que cette seule requête même ne nous arrive pas. Notre vie et notre fin sont
décidées désormais; Monsieur le Consul, nous n'avons que Dieu aux cieux et votre
haute protection sur la terre.
L'assurance de notre vie, honneur et biens dépendent des mesures et des inter–
ventions immédiates et efficaces que vous voudrez bien prendre pour la délivrance
d'une nation qui est tout près de sa fin, si elle n'est pas aidée et secourue par des
grandes puissances, dont vous représentez l'une des plus magnanimes et généreuses,
laquelle, depuis des siècles n'a cherché son intérêt qu'en aidant le faible contre le
fort, l'opprimé contre le tyran, le chrétien contre des non-civilisés barbares qui sont
Fonds A.R.A.M