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N° 59 .
Le
R .
P.
G E L E S T I N O DA D E S T O ,
Missionnaire apostolique, Supérieur de la
mission des R R . PP. Capucins à Malatia,
à M.
C A R L I E R ,
Vice-Consul de France à Sivas.
Karpout, 28 novembre 1896.
La nouvelle que certaines provinces allaient recevoir des réformes avait excité un
grand mécontentement chez les Musulmans. Leur attitude provocante inquiétait
les chrétiens.
Le premier signal d'alarme fut donné le 2 9 octobre vers sept heures du soir.
Tout d'un coup i l fut crié partout que les Musulmans se soulevaient. Tous les
Arméniens se retirèrent dans leurs maisons et veillèrent jusqu'au matin, les armes à la
ma i n .
Le Gouverneur prévenu, envoya des gendarmes dans les quartiers chrétiens pour
veiller jusqu'au matin ; ce qui encouragea les Arméniens à se rendre le lendemain ,
comme les autres jours, au bazar.
Les deux jours suivants, 3o et 3 i octobre, on apprit que quelques Arméniens
habitant dans les pays kurdes, avaient été égorgés. Les Arméniens perdirent courage
et se considérèrent comme perdus.
Le lendemain,
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novembre, les Arméniens s'étant aperçus que les Kurdes se r en –
daient à la mosquée en nombre plus considérable que d'ordinaire, furent pris de
peur, ils fuient l'un après l'autre, ferment leurs boutiques et se retirent dans leurs
maisons en pleurant, quelques-uns criant: «C'est aujourd'hui que les Turcs et les
Kurdes nons massacreront ». Apprenant ces faits, le Gouverneur envoya des gen–
darmes veiller sur la ville. Quelques-uns accompagnèrent, l'arme en main, les gens
jusqu'au bazar et, pour rassurer las esprits, on obligea quelques Arméniens à rouvrir
leurs boutiques et magasins.
Le lendemain ,
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novembre, quelques Arméniens ouvrirent leurs boutiques.
Le dimanche, 3 novembre se passa dans le calme le plus complet, chacun étant
retiré chez l u i .
C'est seulement lundi 4 novembre que la guerre fut déclarée ouvertement. Les
Kurdes tuent et pillent les maisons isolées, mettant le feu à chaque habitation. Dans
le même temps, Turcs et Kurdes tuèrent tous les Arméniens se trofLvant dans le
bazar.
Cette nouvelle se répandit rapidement dans les quartiers arméniens Les habitants
cherchèrent les moyens de se défendre, tout en criant de désespoir et appelant à leur
aide les secours de Dieu. J'ai compris que la situatiou était grave et j ' a i fait accom–
pagner jusqu'à leurs maisons par mes professeurs nombre de filles et garçons de
notre école.
En même temps, la population arménienne, femmes, lilles et garçons, aban–
donnent leurs demeures et commencent à se réfugier dans les églises, terrifiés par
l'incendie, les cris lamentables qu'ils entendaient de l o i n , le bruit des coups de fusil.
Au bout de deux ou trois heures d'attente, ne voyant arriver ni le Gouverneur,
6.
Fonds A.R.A.M