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Je ne crois pas avoir besoin de dire que zaptiés, soldats, coldjis de la Régie, etc.,
ont participé individuellement au massacre ainsi qu'au pillage. Ce n'est que le soir
qu'ils recommencèrent à faire la police. Deux officiers de hamidiés entre autres escor–
taient eux-mêmes les harnais chargés de leur butin.
Les morts.
L'autorité accusait le lendemain de 2 à 3oo tués, dont les cadavres
furent réunis dans un khan du bazar; en réalité, ils étaient environ 5oo ; quelques
musulmans tués par les Arméniens, deux tués par mégardepar leurs coreligionnaires.
J'ai su depuis que, dans un autre khan, se trouvait à peu près le même nombre de
cadavres tués à l'entrée de la ville, la plupart des villageois étaient venus porter des
denrées au marché. Ce qui donne, pour le 12 novembre, environ un millier, sans
compter les inconnus.
Très peu de tués par armes à feu ; presque tous le crâne défoncé par des coups
de haches, de bâtons, de barres de fer. Cependant la fusillade a été très forte pen–
dant trois ou quatre heures. Cette bizarrerie s'explique par l'usage presque exclusif
du revolver ou pistolet, armes fort dangereuses entre des mains exercées, mais faisant
plus de bruit que de besogne entre des mains maladroites.
Les blessés.
Relativement peu de blessés, car ils ont été aussitôt achevés. Ceux
laissés pour morts ou échappés par miracle auront peu de chance de survivre ; j'en
connais un qui a reçu plus de 1 2 coups de feu et autres.
Un Arménien, poêlier de son état, se défendant, ayant tué un soldat, fut abattu et
coupé en morceaux.
Mercredi, i 3 novembre 1895.
Nous avons veillé toute la nuit, deux au rez-de-chaussée, deux au premier étage,
prenant la garde toutes les deux heures.
Je craignais l'incendie, i l n'y en a pas eu.
Le calme paraissant revenu, les Arméniens réfugiés encore dans plusieurs endroits,
comme les églises par exemple, ont été reconduits chez eux par les zaptiés.
Tous les cadavres ont été enlevés et, à certains endroits, la place nettoyée. Les
réfugiés chez les Jésuites et les Sœurs ont été évacués en grande partie.
Escorté d'un peloton de soldats, je suis allé chez nos missionnaires et chez le
Vali, qui dit répondre de la tranquillité. Au cours de ma tournée j e l'ai rencontré à
cheval avec le férik et escorté de nombreux cavaliers, faisant l'inspection de la
ville.
Gurun résiste depuis vingt-quatre heures.
La tète de quelques notables Arméniens est mise à prix par les musulmans. Je
crois fort que l'autorité apprendrait avec plaisir l'exécution de certains d'entre eux.
On arrête les pillards qui sont conduits au sérail avec leur chargement.
Un cheik disait qu'hier c'était un devoir pour les musulmans de massacrer et que
le pillage était leur récompense, mais qu'aujourd'hui tout devait cesser.
Le Vali m'a demandé de l u i servir d'intermédiaire auprès de l'évèque grégorien
pour qu'il envoie le lendemain, au lever du jour, les prêtres nécessaires pour enterrer
les morts, ajoutant qu'il désirait qu'il n'y eût aucune famille, de crainte d'exciter à
Fonds A.R.A.M