responsabilité à ce sujet qu'est dû le ma i n t i en de cette garde, dont l'utilité devait
être si grande par la suite.
Rien d'ailleurs, si ce n'est une afïuence plus considérable de Musulmans dans les
cafés, ne faisait naître la mo i nd r e appréhension. La démonstration des Consuls sem–
blait avoir p r o d u i t u n etîet salutaire : i l m'a été rapporté qu ' un certain nomb r e de
Tu r c s , prévoyant l'arrivée de navires de guerre étrangers, considéraient la tentative
contre les Arméniens comme définitivement avortée. La ville gardait sa phys i onomi e
normale. Le 7 au soir, j e fus cependant informé que des marques suspectes venaient
d'être apposées à la por t e de certaines maisons, no t ammen t chez les sœurs et devant
le domi c i l e des drogmans de ce Consulat; le même fait était signalé de divers côtés.
L a nu i t q u i suivit, et la matinée d u l endema i n 8 , se passèrent néanmoins sans i n c i –
dent.
Je comptais, ce j o u r même , présenter au Gouverneur M . Roque f er r i er , gérant du
Vice-Consulat d ' Er z e r oum, récemment arrivé, lequel devait régler au cours de cette
entrevue les détails administratifs de son voyage. Nous nous rendîmes au Conak, vers
11
heures, en v o i t u r e , accompagnés d u p r emi e r cavas d u Consulat.
L e Va l i était absent. Le palais était p l e i n de mo nd e , et le vicaire général grégo –
r i e n se t r ouva i t dans la f oul e .
I l f au t , p ou r regagner les quartiers chrétiens, où se trouve le Consulat, suivre
une rue q u i traverse la ville dans sa plus grande longueur, en reliant entre elles les
différentes agglomérations de maisons q u i f o rme n t comme autant de centres diffé–
rents. Nous n'étions pas à mi - chemi n qu'une panique subite se p r odu i s a i t , tous les
commerçants fermaient leurs bout i ques ; en même temps des détonations d'armes à
f eu se faisaient ent endr e ; u n i n d i v i d u blessé sortait d'une ruelle transversale.
L'établissement des Frères, où s'engouffrait une foule toujours grossissante de
gens affolés, se t r ouva i t t o u t près de nous ; i l nous pa ru t nécessaire d'y faire une
courte station, p ou r donner quelques mots d'encouragement aux religieux et rassurer
les ma lheureux q u i étaient venus chercher u n asile sous notre drapeau.
Les réfugiés pensèrent, au pr emi e r ab o r d , que nous avions l ' i n t en t i on de les faire
expulser : des cris et des lamentations se firent entendre de t out e part à no t r e entrée.
Ces malheureux se r end i r en t bientôt compte de leur erreur et les Frères nous firent
connaître l eur projet de recueillir dans l eur établissement le plus grand nomb r e pos–
sible de gens menacés.
Pendant que nous étions à l'école des Frères, no t r e v o i t ur e nous avait abandonnés;
nous dûmes reprendre à p i ed le chemi n du Consulat. Nous fîmes quelques pas dans
la d i r e c t i on d'un j a r d i n public q u i couvre la place centrale. Les coups de feu partaient
dans tous les sens; le chemi n était impraticable. A cet endr o i t d'ailleurs, malgré la
présence de notre cavas, u n i n d i v i d u venait de braquer son revolver sur M . Roque –
ferrier, q u i ne dût qu'à son sang-froid l'instant d'hésitation dont nous profitâmes
pour gagner l'agence de la compagnie Paquet que l ' on venait de f ermer et où u n
certain nomb r e de personnes se trouvaient réunies. De l à , i l était possible de se
r endr e chez les Pères capucins, don t l'établissement f o rme , avec l'école des Sœurs, u n
îlot de bâtiments. Nous pensâmes que no t r e présence en u n pareil momen t ne p o u –
vait qu'avoir p ou r effet de rassurer nos protégés et nous nous rendîmes aussitôt
à la mission catholique. Nous en sortîmes vers une heure et demi e , après avoir r é -
Fonds A.R.A.M