excès. Je pr i e Vo t r e Excellence de me pe rme t t r e de l u i exposer les faits et les causes
q u i les on t déterminés, tels que mes i n f o rma t i ons personnelles les établissent.
La tentative d'assassinat contre B a k h r i Pacha, dont j ' a i r endu compte t o u t récem–
me n t à l'Ambassade, avait v i vement surexcité les Musulmans de Trébizonde, q u i
laissaient, depuis déjà l ong t emps , percer des sentiments assez hostiles à l'égard des
Arméniens. Dans les nomb r eux cafés où a l'habitude de se réunir la lie de la
popu l a t i on t u r q u e , de continuels conciliabules avaient l i e u . Au x yeux de t o u t le monde , •
cependant, i l ne s'agissait que de menaces insignifiantes, les Musulmans de cette
ville ayant donné des preuves de sagesse dans la plupart des circonstances où l eur
fanatisme paraissait devoir être particulièrement excité. Je suis convaincu que r i en
de grave n'aurait eu l i e u , si la nouvelle des troubles de Constantinople n'était venue
i r r i t e r de nouveau les esprits. Cette nouvelle, inexactement rapportée pa r des Mu s u l –
mans arrivés de Constantinople, a été exploitée par les meneurs e t , dès ce mome n t ,
une manifestation hostile contre les Arméniens a été décidée.
H i e r soir, vers 9 heur e s , des coups de fusil éclatèrent de t out e part, et l ' on ne
tardait pas à apprendre que des groupes très n omb r e ux , composés de Musulmans de
la ville et des villages environnants, avaient commencé l'attaque des quartiers chré –
tiens. L a panique f u t épouvantable. Ce n'est guère qu'à l'aube que le calme se rétablit
et que l ' on pu t , avec u n peu de sang-froid r e cue i l l i r des renseignements sur les i n –
cidents q u i s'étaient passés.
Les premières versions f u r e n t rap i dement contrôlées et i l pa ru t établi qu ' on se
t r ouva i t en présence d ' un mouvemen t mûrement prémédité. L'arrivée immédiate du
Gouverneur, l ' i n t e r v en t i on des p r i n c i paux notables ottomans, avaient p u avoir raison
d u soulèvement, mais i l était à craindre de le v o i r se renouveler et le pr o j e t en était
ouvertement formé par les meneurs musulmans.
L e Corps consulaire se réunit dans la matinée de ce j o u r afin de provoquer les
mesures de sûreté que les circonstances réclamaient. Malgré les assurances apportées
au n o m d u Gouverneur , ceux - c i f u r e n t unan imement d'avis de faire une démarche
collective auprès de Cad r i Bey.
A u Conak, le Gouverneur général, après avoir écouté les représentations q u i furent,
exprimées, p r i t la parole p ou r établir la réalité des faits, et voici le récit qu ' i l nous
fit :
A en croire Cad r i Bey, ce serait une querelle entre deux Arméniens et c i nq Tu r c s ,
tous pris de boisson, q u i aurait été le p o i n t de départ des i nc i dent s ; u n des Musu l –
mans aurait reçu u n coup de revolver q u i l'aurait blessé grièvement, et ses c o r e l i –
gionnaires seraient accourus au b r u i t . C'est cet incident assez vulgaire q u i aurait
soulevé presque instantanément t ou t e la popu l a t i on musulmane de Trébizonde.
I l est difficile de croire à une pareille assertion ; quo i q u ' i l en soit, quand le V a l i ,
aussitôt prévenu, descendit de la campagne où i l hab i t e , i l trouva auprès d u palais du
Gouvernement u n attroupement considérable, évalué par lui-même à trois mi l l e
homme s , et composé de Musulmans des villages. Tous ces gens-là étaient armés de
fusils, de revolvers ou de sabres. L e Va l i l eur demanda ce q u i les amenait ; ils ré –
pond i r en t qu ' on leur avait d i t que le Conak était attaqué par les Arméniens, et qu'ils
venaient le défendre. Cadr i Bey parvint à les calmer et à les empêcher de descendre
dans les quartiers chrétiens où i l se r end i t lui-même aussitôt. Là , la situation était
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