Pierre
Quillard
Dans le traité, non plus russo-turc, mais européen,
qui fut signé à Berlin, le
i 3
juillet
1878,
la clause de
San Stefano fut remplacée par un texte qui liait plus
étroitement les Puissances signataires et assurait cer–
taines garanties contre le mauvais vouloir de la Porte :
A R T I C L E L X I . —
La Sublime Porte s'engage à mettre
à exécution sans autre délai les améliorations et les
réformes nécessitées par les besoins locaux dans les
provinces habitées par les Arméniens et à garantir
leur sécurité contre les Circassiens et les Kurdes, Elle
fera périodiquement connaître les mesures prises à cet
effet aux Puissances qui veilleront à leur application.
Ainsi, pour le peuple arménien dont l'histoire tout
entière est faite de persécutions et de massacres, qui
s'est trouvé sur la route des grandes invasions asia–
tiques et a subi les conquêtes successives sans perdre
sa langue, sa religion et ses traditions nationales, i l
semblait qu'une vie nouvelle allait commencer et que
toutes les aptitudes de la race pourraient dès lors se
développer librement. De grandes espérances s'éveil–
lèrent : dans les écoles de Constantinople et d'Asie
toute une génération se forma qui rêvait d'un sort
meilleur, tandis qu'en Allemagne, en France, en Angle–
terre, comme au temps des hétairies grecques, des étu–
diants et des commerçants s'initiaient à la culture occi–
dentale.
Le rêve dura peu. En guise de réformes, le sultan
Abd-ul-Hamid I I prépara et exécuta de
1893
à
1896
les
plus épouvantables massacres qu'ait enregistrés l'his–
toire des souverains illustres : en temps de paix, avec
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Fonds A.R.A.M