LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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tact des armées europénnes, dans ces régions oubliées où
le pacha est resté rapace comme aux plus beaux temps de
la décentralisation primitive, c'est là qu'il faut chercher
ses preuves et que se montre dans tout son cynisme le
chef d'armée ou de régiment trafiquant de la vie et même
de la mort de ses soldats.
Ici les témoignages abondent; leur concordance est ca–
ractéristique et l'on ne saurait mettre en doute l'impartia–
lité de ceux qui les ont produits. Le recueil des documents
officiels présenté au Parlement anglais en 1856, ne ren–
ferme pas moins de 390 dépêches du général Williams, de
Lord Clarendon, de Lord Strattford et de quelques consuls
sur l'état et sur la conduite des corps ottomans réunis dans
la Turquie d'Asie en 1853,1854 et 1855. Voici une partie
du résumé qui en a été fait en 1860 par M. Saint-Priest (1),
«
J'admire, écrit le général Williams, la patience avec
laquelle cette race endurante et sobre d'Asie supporte des
souffrances qui deviendraient partout ailleurs un sujet de
continuelles mutineries. La nourriture du soldat est pitoya–
ble..., les règles les plus simples de l'hygiène sontmécon*
nues; de là les fièvres et le typhus. La solde est arriérée
suivant les corps de 18, 20, 22 mois. L'on vit au jour
le jour. Le service, la discipline, l'instruction sont honteu»
sèment négligés par les officiers. La plupart d'entre eux
sont indignes du commandement, Dans l'habitude de la vie,
ils sont ivres et ne s'occupent qu'à Voler les soldats. A cet
égard le
Muchir
(2)
donne l'exemple de la malversation. La
connivence des généraux, des colonels, des comptables avec
(1)
Voir n° déjà cité de la
Revue des Deux-Mondes.
(
S) Maréchal.
Fonds A.R.A.M