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LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
Je n'insisterai pas ici sur l'insuffisance notoire des ser–
vices essentiels qui rentrent dans le domaine de l'adminis–
tration des armées en campagne. A cet égard la lettre du
maréchal de Saint-Arnaud que je citais à l'instant, cons–
tate la plus désolante incurie dans le système d'approvi–
sionnements et dans le régime des hôpitaux (1) et Omer-
pacha ne disconvenait pas qu'une troupe ainsi entretenue
ne pouvait soutenir, malgré sa bravoure, une lutte de
longue durée.
Là encore c'est un personnel instruit, expérimenté, une
hiérarchie solidairement constituée qui font défaut et la
réforme n'a eu ni le temps, ni les moyens d'y pourvoir.
Mais le point capital qu'elle a négligé ou plutôt le vice
auquel elle n'a point trouvé de remède, qui ne le voit dans
cette corruption des mœurs publiques envahissant l'armée,
y décomposant tout organisme et conduisant fatalement
aux désastres ! Pour mettre en pleine lumière dans ce
court aperçu do la guerre d'Orient, cette incurable démo–
ralisation qui, en Turquie, pervertit les institutions les plus
élémentaires, celles sur lesquelles repose l'existence même
de tout Etat souverain, ce n'est point au centre de l'Empire
ni dans les provinces voisines menacées par l'invasion mos–
covite, qu'il convient de porter ses investigations. Là le
mal est en quelque sorte latent ; il ne s'accuse pas au grand
jour sous les yeux des administrations étrangères que les
événements y ont improvisées. C'est en Asie, loin du con-
(1) «
Depuis quinze jours ces troupes n'ont vécu que de biscuit et
de riz ; cette mesure a été prise pour laisser au bétail le temps
d'engraisser ; on le trouvait trop maigre pour fournir une ration suf–
fisante ; mais l'herbe croissait et on en attendait l'effet. Voilà de
l'administration turque! » Saint-Arnaud en mai 1854.
Fonds A.R.A.M