LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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français et anglais qui l'ont vu de près à Silistrie, à Sébas-
topol et à Kars, sont unanimes à lui rendre le môme hom–
mage. « Je doute, disait le général Williams après une
revue des troupes d'Arménie, que l'on puisse trouver de
meilleurs éléments dans quelque armée que ce soit ; les
hommes sont robustes et possèdent tout ce qui fait les bons
soldats (1). » Mais ces qualités natives sont frappées d'im–
puissance par le manque d'intermédiaires que signalait le
maréchal de Saint-Arnaud. « Dans le système de guerre
moderne, l'individu disparaît ; les masses organisées jouent
seules un rôle et par ce motif les cadres d'une armée font
toute leur force. Or, dans l'armée turque les cadres n'exis–
tent à peu près que de nom. L'avancement est à peine sou–
mis à une règle ; les rudes débuts du service n'assurant
ainsi aucun avantage, les classes riches délaissent en géné–
ral le métier des armes pour entrer dans les carrières civi–
les qui conduisent même au commandement des armées.
Les officiers subalternes sont tirés des rangs par le caprice
ou le hasard. Rien ne les sépare de leurs subordonnés avec
lesquels ils vivent dans une familiarité qui repousse toute
bonne discipline. Rien ne les excite à s'élever par le mé–
rite, l'instruction ou la valeur, l'intrigue ou l'argent don–
nant accès aux grades supérieurs (2).
Ignorants et serviles, tels sont pour la plupart les
ins–
tructeurs
et les
chefs
qui président à l'éducation du soldat
et dont l'agglomération constitue les
cadres
dans l'armée
ottomane. L'appareil a changé de forme, les matériaux sont
restés les mêmes. »
(1)
Dépèche à Lord Clarendon du 26 septembre 1854.
(2)
Saint-Priest,
Revue des Deux-Mondes
du 15 mai 1860.
Fonds A.R.A.M