LA TURQUIE ET LE TANZIMAT.
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quels que fussent leur rang et leur dignité. Saïd-Pacha,
le propre beau-frère du Sultan, a été exilé pour un fait de
cette nature. Les chrétiens qui étaient obligés de cacher
leur fortune et de simuler la pauvreté, commencent à jouir
plus ostensiblement de ce qu'ils possèdent ; quoique tou–
jours méprisés, ils sont moins exposés aux insultes, aux
humiliations. Le prosélytisme peut s'exercer librement
parmi eux.
Dans un autre ordre de faits, la féodalité militaire a été
abolie avec ses abus ; il en est de même de la féodalité ci–
vile dont le joug pesait depuis des siècles sur les popula–
tions chrétiennes de la Bosnie et de l'Herzégovine; des
tribunaux mixtes ont été institués et fonctionnent utile–
ment dans les principaux centres de l'Empire. La vente
des esclaves est proscrite dans la capitale.
Sans doute la plupart de ces conquêtes sont élémentaires
et en les énumérant, l'on est involontairement reporté aux
temps des législations primitives qui se réduisaient à peu
près au développement de ces deux principes : inviolabilité
de la personne humaine, respect de la propriété. Mais ce sont,
selon toute vraisemblance, des gages de progrès nouveaux
et il est permis du moins, de ne pas désespérer de l'avenir.
L'avenir justifiera-t-il cette confiance relative? Sous l'ère
solennelle qu'ouvrira bientôt à la Turquie le Congrès de
Paris, verra-t-on le vieil Empire d'Osman franchir d'un pas
plus assuré la distance qui le sépare des puissances chré–
tiennes? Sa régénération deviendra-t-elle certaine? Res-
tera-t-elle encore problématique ?
Tels sont les points d'interrogation par lesquels je prélu–
derai à la seconde partie de cette histoire, qui comprendra
les années 1854 à 1867.
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Fonds A.R.A.M