Caucase de notre héros national, « le général major Antranik », était
une heureuse circonstance pour lui confier le commandement des for–
ces arméniennes; le prestige même de notre héros national suffisait
pour que tous les Arméniens aptes à porter les armes fussent enrôlés
sous ses bannières. Une fois fortement organisée en Cilicie, notre
diplomatie aurait pu parler haut et ferme; c'est à ce moment que nous
aurions pu dire à M. Franklin-Bouillon et à son grand chef,
M. Briand : « Messieurs, maintenant, causons entre amis. Nous n'al–
lons pas nous déchirer mutuellement. Cette conquête de Cilicie, nous
la devons au sang des soldats français et arméniens; avec vous, nous
sommes prêts à nous entendre sans que le vilain Turc vienne fourrer
son nez dans une affaire qui ne concerne que nous. Si malgré notre
bonne volonté vous voulez faire les méchants et envoyer des forces
dans l'espoir de nous désarmer, nous nous garderons bien de tirer les
premiers, mais si nous sommes attaqués, en cas de légitime défense,
nous nous défendrons avec acharnement, tout en vous laissant la
grave responsabilité d'un pareil conflit. D'autre part, nous porterons
a la connaissance du peuple français ce geste inamical avec tout l'éclat
dû à un acte pareil. »
Aucun homme d'Etat français n'aurait assumé cette responsabilité,
sachant surtout que la cause arménienne avait acquis la sympathie du
peuple français et de tous les peuples civilisés. Mais pour exécuter une
politique d'une si grande envergure, il nous fallait des hommes politi–
ques ayant le courage d'immoler leur personnalité devant l'autel sacré
de la patrie.
M. Damadian, au lieu de s'occuper des organisations sérieuses,
passait son temps à échafauder des combinaisons pour la formation
d'une République cilicienne avec la participation des Turcs, des
Tcherkès, des Kurdes, etc., en un mot une vraie salade russe. II avait
même formé un gouvernement à sa façon. Un jour, suivi de ses colla–
borateurs, il se présente au Konack les mains dans les poches comme
à une parade, invite le
mvtasarif
nommé par les autorités françaises
à quitter la Préfecture pour céder la place au gouvernement régulier
de la République cilicienne. Le général Brémond, mis au courant de
cette démarche ahurissante, fait avancer une cinquantaine de Séné–
galais baïonnette au canon et, en un clin d'œil, fait jeter dehors le
gouvernement de M. Damadian. A la place du général Brémond, pro–
bablement un autre aurait agi plus cavalièrement, tout en restant dans
les limites de son devoir. M. Damadian et ses anciens collaborateurs
doivent conserver leur reconnaissance au général Brémond pour leur
avoir laissé la vie sauve.
L'entente franco-turque était déjà une réalité lorsque la Délégation
arménienne a eu l'idée tardive d'envoyer le général Antranik en Cilicie
pour l'organisation de l'armée nationale arménienne. Un jour, je reçois
la visite matinale du capitaine Bonapartian qui venait m'avertir que le
Fonds A.R.A.M