ïiiens, notre impartialité nous oblige d'être aussi franc, aussi sincère
en ce qui concerne la politique de M . Briand vis-à-vis de l'Arménie.
Nous avons admis que la Délégation arménienne n'a pas été à la
hauteur de sa tâche; elle a même commis des erreurs impardonnables,
mais cela n'était pas une raison pour que M . Briand, profitant de ces
erreurs inconsciemment accomplies, en prît prétexte pour accabler de
ses coups de grand maître de la diplomatie le peuple arménien tout
entier qui, en somme, n'était pas fautif lui-même à l'égard de la France;
il était plus digne pour M. Briand de jouer le rôle d'un protecteur, d'un
mentor indulgent, à l'égard de cette pauvre Délégation, en reconnais–
sance de l'héroïsme d'un petit peuple qui, au moment du danger, a eu
la fierté de se dévouer à la cause française, ce qui lui a coûté un million
de victimes et la perte totale de sa richesse nationale et individuelle.
L'Entente franco-turque était un fait accompli quand la Délégation,
voulant rectifier toutes ses erreurs du passé, se soumettait à toutes les
conditions du Quai d'Orsay; malheureusement, une démarche person–
nelle de Sa Sainteté le Catholicos des Arméniens de Cilicie, n'a pas eu
plus de chance auprès du gouvernement français. M. Franklin-
Bouillon, l'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de
M. Briand auprès de Mustapha Kemal, avait fermé toutes les portes
à une nouvelle entente franco-arménienne. D' après cette entente, avant
toute chose, la Légion arménienne devait être dissoute; les armes et
munitions d'une valeur de deux cents millions de francs devaient être
cédées aux Turcs et la Cilicie évacuée dans un délai relativement court
par les troupes françaises; les populations arméniennes de Cilicie
devaient être confiées à la protection paternelle (!!!) de Son Excellence
Mustapha Kemal Pacha. Après plusieurs démarches et supplications,
une dernière faveur a été accordée aux Arméniens, grâce à la bonté
de M . Poincaré, le grand homme d'Etat français, l'homme intègre et
loyal, dont l'arrivée au pouvoir a eu lieu deux mois après l'entente
franco-turque pour le grand malheur des Arméniens.
Nos compatriotes ont eu la possibilité de quitter leur patrie avec les
troupes françaises et d'aller s'installer dans les baraquements cons–
truits à leur intention en Syrie, où le gouvernement français les utilisait
à la construction des routes; quant à leurs biens et immeubles laissés en
Cilicie, c'était un cadeau de maigre importance offert à Mustapha
Kemal par son excellent ami, M. Franklin-Bouillon. Les Arméniens de
Cilicie ayant eu la vie sauve, le plus précieux des biens, seraient mal
venus de formuler des réclamations qui seraient destinées d'ailleurs à
un sommeil éternel dans les cartons du Quai d'Orsay.
En faisant l'historique de l'occupation de la Cilicie par les troupes
franco-arméniennes, i l m'est impossible de passer sous silence quel–
ques tristes épisodes de cette occupation. La présence des Français en
Cilicie n'avait pas le don de plaire à nos amis anglais, qui encoura–
geaient les visées turques sur cette région. Les Turcs, enhardis par cet
Fonds A.R.A.M