lutte avec son drapeau national déployé à côté du drapeau tricolore.
La Délégation, pour des raisons tout à fait enfantines, repousse cette
proposition. Elle veut que la « Légion arménienne » soit fusionnée
dans le cadre de la « Légion d'Orient », regrettable, inconscience qui
nous faisait perdre le seul atout restant entre nos mains. Après l'armis–
tice, la Délégation, reconnaissant son erreur, propose à son tour d'ap–
peler la Légion la « Légion arménienne »; c'était trop tard, on bat le
fer lorsqu'il est chaud; l'Armistice était signé, M . Briand n'avait aucune
envie de laisser un seul atout entre les mains des Arméniens, pour la
réalisation de son entente avec Mustapha Kemal, par l'entremise du
fameux Bouillon Pacha. Dans cette situation, i l ne restait aux Armé–
niens qu'une seule ressource : évacuer la Cilicie, ramasser leurs bles–
sés et leurs mutilés, pour les soigner à leurs frais; quant à leurs morts,
leurs sépultures étaient confiées aux sentiments humanitaires (!!!) des
«
bachibozouks » de Mustapha Kemal Pacha.
Nous voulons bien croire qu'au début des événements, M . Briand
n'avait aucune intention malveillante à l'égard de l'Arménie et ne pen–
sait pas à une entente franco-turque sur le dos de ses alliés; mais les
événements doivent l'avoir entraîné à cette triste solution, la volte-face
de notre jeune diplomatie lui donnant un semblant de raison.
Expliquons-nous plus clairement.
La Délégation, pour encourager nos jeunes gens à s'engager dans
la Légion, avait cru faire de la bonne politique en cachant la vérité au
peuple arménien et laissant supposer que l'indépendance de la Cilicie
arménienne était garantie par la France, en échange de la collaboration
militaire arménienne. Après l'armistice, la Délégation, craignant que
le pot aux roses ne fût découvert, donnant lieu à la légitime colère
d'un peuple trompé par ses propres représentants, a commencé une
campagne intense en faveur d'un mandat américain pour l'Arménie,
qui devait englober la Grande et la Petite-Arménie (Cilicie). I l est bien
entendu que cette deuxième bévue donnait naissance à une méfiance
réciproque entre le gouvernement français et la Délégation nationale
arménienne.
La Délégation avait-elle des raisons valables pour adopter une nou–
velle politique qui était l'opposé de celle suivie jusqu'à l'armistice ?
La prudence la plus élémentaire commandait à la Délégation de ne pas
lâcher la proie pour l'ombre; i l était du devoir de nos représentants de
ne s'engager dans l'expédition de Cilicie qu'entourés de toutes les
garanties nécessaires à la sauvegarde des intérêts arméniens.
Ayant négligé cette précaution primordiale, après l'armistice, notre
Délégation devait faire valoir auprès du gouvernement français les
droits de l'association de fait ayant comme capital le sang de nos
enfants. Aucun gouvernement n'aurait osé faire fi de cet argument de
justice et la Délégation aurait eu, dans ce cas, l'approbation du' peuple
Fonds A.R.A.M