«
C'est de la folie d'y penser ». L'aveu que je n'avais pas pu arracher
ni à
AL
Masehian Khan, ni à
M.
Varantian, ni à M. Tchobanian,
courtier ambulant entre le Quai
0
d'Orsay et l'avenue du Président-
Wilson, qui n'avait qu'un seul désir, d'après son aveu même, celui de
sauver l'Arménie et ensuite de mener une existence douce sur les bou–
levards de Paris.
A
mon retour à Marseille, je n'ai pas manqué de communiquer mon
impression à l'Assemblée générale de la Colonie arménienne de Mar–
seille, qui a eu lieu dès mon retour, 96, rue Saint-Jacques, à l'ancienne
chapelle arménienne. Mes paroles ayant grandement impressionné
l'Assemblée, M. Hovannès Sahatdjian, « persona grata » de la Déléga–
tion à Marseille, a cru de son devoir de me donner un démenti formel
en
ajoutant qu'une convention était signée entre le gouvernement fran–
çais et la Délégation arménienne au sujet de la Cilicie, mais que dès
maintenant la Délégation ne pourrait pas avoir l'imprudence de la
publier. Quelques notables arméniens de Marseille, furieux de mon
attitude, ont jugé nécessaire d'adresser une plainte collective à la Délé–
gation. Cette plainte portait la signature de trois personnalités et je
me dispense de publier leurs noms, en vue d'une pression gouverne–
mentale à mon encontre.
M. de Margerie, secrétaire général au Ministère des Affaires Etran–
gères,
s'est chargé de ce soin, en adressant à M. le Préfet des Bou-
ches-du-Rhône une lettre de quatre pages, dont j ' a i eu connaissance
à la Préfecture et
dans
laquelle M. le Secrétaire Général disait :
«
Nous
savons que M. Turabian travaille dans l'intérêt de l'Arménie, mais le
moment n'est pas
bien
choisi pour faire de l'agitation. Veuillez faire
comprendre raison
à M.
Turabian; au cas contraire, agissez avec lui
comme avec
tous
les
étrangers.
»
L
'
ordre
était formel, clair et
précis;
il fallait ou
se
taire ou prendre
le chemin
du camp
de
concentration. Heureusement pour moi, les
instructions
de M. de Margerie arrivaient trop tard, ayant eu l'occasion
de m'exprimer précédemment
au
sujet
de la formation de la
Légion
arménienne. Pour ne pas être
en
reste de
politesse
avec
M. de Marge–
rie, en 1917, je lui adressai un exemplaire de
mon
livre
illustré
«
Les
Volontaires Arméniens sous les Drapeaux Français »,
accompagné
d'une lettre, dans laquelle
je le
remerciais
de
ses
sentiments arméno-;
philes qui se manifestaient en toutes les
occasions. M. de
Margerie
eut
le bon goût de clôturer cet incident, qui n
'
aurait même pas dû
être
soulevé, d'une manière délicate, connaissant ma
profonde sympathie
pour la France, et tous
les
sacrifices
que
je
m
'
étais imposés
pour
servir la cause française, sans
trahir celle
de
l
'
Arménie.
Suivons maintenant, pas à pas, la politique incohérente et illogique
de notre Délégation. La Légion est formée et concentrée en Chypre;
le Gouvernement français, pour ménager
l
'
amour-propre arménien,
propose de l'appeler « la Légion arménienne », qui doit entrer
en
Fonds A.R.A.M