demande à examiner la question avec ses conseillers avant de donner
une réponse définitive.
La Délégation arménienne se réunit au n° 12, avenue du Président-
Wilson, sous la présidence de son chef. A cette réunion, prennent part :
M. Masehian Khan, ancien ambassadeur de Perse à Berlin, actuel–
lement ambassadeur de Perse à Londres; M. Varantian, représentant
du parti « Tachnaktzoutun », membre de la Délégation, ainsi que
M. Tchobanian, poète arménien, et M. Sevadjian Sérovpé, un bijoutier
de la rue Lafayette, à Paris. Le lendemain, Boghos Nubar Pacha
apporte une réponse favorable à M. Briand. A partir de ce jour, le
siège de la Délégation arménienne devient une section du Quai
d'Orsay. M. Briand avait mis la Délégation dans son sac; aucun écrit,
aucune signature ne le liait. Il avait manifesté un désir, et ses désirs
étaient des ordres, que les membres de la Délégation et des patriotes,
de profession exécutaient consciencieusement et aveuglément. Dans
cette affaire de Cilicie, l'un vovait déjà sa boutonnière ornée d'un puban
rouge, un autre la vente fructueuse de ses automobiles. Pauvre jtanmé-
nie ! Le sang de tes enfants était vendu aux enchères pour un plat de
lentilles.
La Délégation, dans sa précipitation à être agréable à M. Briand,
n'avait même pas assuré l'avenir des mutilés et des familles des morts
que nous laisserions sur les champs de bataille de Syrie, Cilicie et
Palestine. Qu'importait à la Délégation que la Légion arménienne
plantât la première le drapeau français à Beyrouth, qu'elle enlevât au
bout de ses baïonnettes la place fortifiée d'Arara; un compliment et un
sourire de M. Briand nous récompensaient de tout, nous, les éternels
sacrifiés du machiavélisme de la diplomatie européenne.
On ne peut pas dire que personne n'avait prévu les événements,
l'histoire est là pour prouver le contraire. En pleine, guerre, au risque
d'être pris à partie par les dirigeants du Quai d'Orsay et de la Délé–
gation arménienne, j'avais dévoilé la vérité en son temps, dans une
circulaire portant ma signature,
qui a été publiée le
14
février
1917
dans le plus grand quotidien arménien « Mechak », de Tiflis. Dan?
cette circulaire je disais : « Le sang arménien est trop précieux pour
priver la nation de ses éléments jeunes et pour ajouter à un million de
victimes encore d'autres victimes. Nous devons avoir l'assurance que
l'indépendance de l'Arménie sera garantie par des signatures. »
A la suite de cet événement, la Délégation m'a mandé à Paris; la
conversation que j'ai eue avec Boghos Pacha et ses deux conseillers,
MM. Masehian Khan et Varantian, m'avait convaincu que la Délé–
gation arménienne n'était en possession d'aucune convention; alors, je
me suis hasardé à demander au chef de la Délégation : « Excellence,
en échange de noire concours militaire, pouvons-nous avoir l'assu–
rance que l'indépendance de l'Arménie sera garantie ? ». Pour toute-
réponse, notre vénérable chef a eu la grande franchise de me dire
g;
Fonds A.R.A.M