aucune envie de parler, accablée qu'elle était sous le poids de sa grave
responsabilité.
Il serait intéressant, maintenant, pour l'édification de
1
l'opinion» publi–
que, d'énumérer en détail les circonstances qui ont amené les Armé–
niens à participer à l'occupation de la Cilicie.
En 1916,. d'après la convention passée entre la France, l'Angle–
terre et la Russie, la Turquie devait, après la victoire des Alliés, être
partagée en trois zones d'influence. La Syrie et la Cilicie revenaient à
la France, la Mésopotamie et la Palestine à l'Angleterre et Constanti–
nople à la Russie.
Probablement une convention secrète attribuait la Grande-Arménie
à cette dernière puissance, car l'attitude équivoque du gouvernement
du tsar envers les combattants arméniens, sur le front du Caucase,
paraissait très significative .sous ce rapport; en tout cas, i l n'avait
jamais été question entre les alliés de la constitution d'une Arménie
sous le protectorat français. D'après ce que nous venons de dire, la
question cilicienne revêtait, au point de vue arménien, une importance
telle que toute l'attention de la Délégation aurait dû être concentrée
sur ce point principal, d'autant plus que la solution de la question de
la Grande-Arménie dépendait uniquement du bon plaisir du gouver–
nement russe.
La France, à l'exemple de ses alliés, avait le souci d'assurer sa part
du gâteau turc; nous pensons même qu'elle n'avait aucune intention
d'inviter les Arméniens à un festin dont elle escomptait le profit
exclusif pour elle. Dans ces conditions, comment se fait-il que les
Arméniens versaient leur sang pour l'héritage de
Y
«
homme malade »
dont la mort ne pouvait produire pour eux le moindre bénéfice terri–
torial dans les régions de la Cilicie .? C'est le moment de soulever le
voile et d'exposer la vérité telle qu'elle se présente, dépouillée de tout
maquillage.
En 1915, la glorieuse marine française avait arraché aux griffes
des armées turques, au mont Djebel-Moussa, sept à huit cents combat–
tants arméniens avec toutes leurs familles; ces braves, voulant accom–
plir un geste de reconnaissance envers la France, avaient demandé
spontanément d'être enrôlés sous les drapeaux français, contre la
Turquie. Quelques chefs des partis arméniens en Egypte, au courant
de ce projet, se sont présentés au consul de France et lui ont suggéré
l'idée de la formation d'une Légion arménienne, en vue d'un débarque–
ment en Cilicie; le consul ayant communiqué le désir des Arméniens
au Quai d'Orsay, M. Briand saisit la balle au bond, profite de cette
heureuse circonstance et s'empresse de mander auprès de lui Son
Excellence Boghos Nubar Pacha, président de là Délégation armé–
nienne, et lui demande de lui fournir 5.ÛC0 soldats arméniens pour
l'expédition de la Cilicie ; Boghos Nubar, pris au dépourvu, hésite,
Fonds A.R.A.M