La Légion Arménienne et la France
La formation de la Légion arménienne était tout à fait indépendante
de celle des Volontaires arméniens sur le front français, qui avait pris
naissance dans un sentiment de profonde sympathie, poussant nos
jeunes gens vers la frontière pour la défense de leur seconde patrie,
la France, et cela sans aucun calcul ni arrière-pensée d'une récom–
pense; leur meilleure récompense consistait dans la satisfaction d'un
devoir accompli volontairement envers un pays qui avait su capter par
son charme le cœur de notre jeunesse qui se sacrifiait sans hésitation
pour la plus belle des patries.
La formation de la « Légion arménienne » était, au contraire, le
résultat d'une entente préalable entre le gouvernement français et la
Délégation nationale arménienne. L'existence même de. cette légion
ne pouvait être justifiée que par les accords conclus entre deux parties
contractantes, garantissant les deux intérêts en jeu, sous leur signature
respective.
Le gouvernement français désirait la collaboration militaire armé–
nienne en Cilicie; en échange de ce précieux concours, il devait tout
naturellement être disposé à certaines concessions au profit de l'Armé–
nie. D'autre part, le gouvernement français ayant la charge des inté–
rêts français, la défense des intérêts arméniens incombait à la
Délégation nationale arménienne. Nous allons examiner de près si
cette délégation se trouvait à la hauteur de la tâche que la confiance
du peuple arménien lui avait assignée. Nous ne craignons pas de dire
d'avance que dans ce marché politique, la Délégation a été un simple
jouet aux mains d'un diplomate aussi fin et aussi avisé que M. Aris–
tide Briand, le ministre des Affaires Etrangères de l'époque.
La jeune diplomatie arménienne, pour l'expédition de la Cilicie, a
jeté de propos délibéré cinq mille jeunes Arméniens dans un des pla–
teaux de la balance, tandis que dans l'autre M. Briand déposait sa
belle rhétorique, ses belles paroles parfumées avec un certain narcoti–
que, tout en prenant la précaution de ne pas confier ses promesses
alléchantes au secret de l'écriture; ce qui lui donna plus tard une
apparence de raison, quand il prétendit, devant le Parlement français,
qu'aucune convention ne liait la France à l'Arménie. Le tour était très
bien joué et quelques distinctions honorifiques habilement distribuées
condamnaient au silence la fameuse Délégation qui n'avait d'ailleurs
Fonds A.R.A.M