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Lorsque, dit-il, voici plus de cinq cents ans,Tamerlan, le plus san–
guinaire des conquérants asiatiques, arriva devant la ville aux cent
mille rosiers, Sivas, la perle de l'Arménie, l'histoire raconte que les
habitants épouvantés envoyèrent au devant du dévastateur, pour l'at–
tendrir, des milliers d'enfants, vêtus de blanc et portant des fleurs.
Timour le Boiteux contempla longuement de ses yeux cruels cette
innocente armée qui s'en venait vers lui, suppliante et craintive. Puis i l
fit charger ses cavaliers mongols et broya sous le sabot des chevaux les
enfantines cohortes aux bras chargés de roses.
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Le cauchemar, dit-il, est aujourd'hui devenu une présente réalité.
Les massacres qui depuis un an ensanglantent l'Arménie égalent, que
dis-je, dépassent par leur ampleur et par leur cruauté les plus atroces
légendes de tous les siècles et de tous les pays. L'Allemagne peut être
îière de son œuvre; sa gloire hideuse a effacé celle de Tamerlan. Mais
l'Arménie ne succombe pas.
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A cet appel, ajoute le Ministre, répond le pas déjà victorieux du
soldat russe libérateur; à cet appel répond le canon de Verdun.
L'heure .que nous traversons est la plus solennelle qu'ait connue
l'humanité, elle est la chance suprême que nous offre le destin pour
arracher le monde à la barbarie. //
s'agit de savoir si les horreurs que
nous avons évoquées aujourd'hui seront possibles encore sur notre pla–
nète. Il s'agit de savoir si ceux qui ont fait cela seront demain les maî–
tres ou s'ils seront châtiés. Il n'est pas d'autres alternatives. La France
et ses alliés-portent dans leurs mains l'avenir de la civilisation. Ils n'ont
pas le droit de composer; ils n'ont pas le droit de défaillir. Si lourds
que soient les sacrifices, si cruelles que soient les pertes consenties,
nous combattrons jusqu'à la victoire, jusqu'à la libération du monde. »
DISCOURS DE M. L'ABBE WETTERLE, DEPUTE DE L'ALSACE
M. l'abbé Wetterlé se lève, la salle tout entière acclame le représen–
tant de l'Alsace. M. Wetterlé s'est donné à sa chère Alsace, et s'est
donné à la France; il se donne à l'Arménie.
L'hommage si spontané, si enthousiaste qui lui est fait il le reporte
aux Arméniens de l'Europe que les soldats français sont en train
d'affranchir à Verdun. Il rappelle que tous les peuples opprimés ont
eu à se plaindre de l'Allemagne qui a violé le traité de Berlin de 1878
où avait été élaborée la Charte de l'Arménie.
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Il y a quelques années, Guillaume I I a mis sa main dans la main
sanglante d'Abdul-Hamid. le massacreur des Arméniens. Aujourd'hui,
il organise, avec le Turc, le massacre systématique des Arméniens. »
M. l'abbé Wetterlé, continuellement applaudi, apporte à l'Arménie
le salut cordial de l'Alsace-Lorraine. I l dit aux Arméniens :
«
Courage ! Hier, celait le règne de la barbarie, aujourd'hui sonne
l'heure de l'amour, de la fraternité, de la féconde liberté. »
Fonds A.R.A.M