samment contre tous les envahisseurs : Sarrasins de Syrie, d'Alep ou
d'Egypte; Tartares aussi, qui les environnaient d'un cercle de fer. Ils
avaient, nous l'avons vu, pour chefs des princes nationaux, les Roubé–
niens, descendants de Roupéne ou Rouben, d'abord simples princes
régnants ou barons, comme les appellent les chroniqueurs francs des
Croisades, puis rois véritables, consacrés par l'Eglise de Rome. Leurs
sujets, réduits primitivement aux habitants de quelques villages grou–
pés autour des châteaux perdus dans tes montagnes, arrivèrent rapide–
ment à une puissance qui en fit, pour les princes francs établis en
'
Syrie, d'utiles et puissants auxiliaires.
Grandis et fortifiés de leur côté par l'arrivée inattendue de tant de
croisés, les Arméniens s'appuyèrent maintes fois sur eux dans leur
résistance désespérée contre les armées musulmanes. Puis, lorsque les
grandes catastrophes fondirent sur la Terre-Sainte et que le nom même
des anciennes principautés de la Croisade eut disparu de Palestine et
de Syrie, les Arméniens de Cilicie, frappés eux aussi à mort par tant
de désastres, tour à tour tributaires des sultans seljoukides d'Iconium,
des Khans tartares et des sultans mamelouks du Caire, se soutinrent
avec peine quelques temps encore. Ils étaient protégés par le voisinage
de cet autre glorieux royaume latin de Chypre, qui avait si courageu–
sement relevé dans le Levant l'étendard de la croix chassé de Syrie
par les victoires de Saladin et de ses successeurs. Des princes de la
maison de Lusignan remplacèrent même sur le trône de l'Arménie les
descendants de Rouben. Puis enfin tout fut terminé pour les Lusignan
de Chypre comme pour l'Arménie et l'invasion égyptienne, emmenant
le dernier roi arménien captif au Caire, transforma en une solitude
fumante les pentes sauvages du Taurus et les plaines de la Basse-
Cilicie.
Maintenant, la plus grande portion de la nation arménienne, à
l'exception de ceux des siens qui sont fixés en masse à Constantinople
et dans quelques grandes cités du Levant, occupe encore les villayets
turcs situés au nord du Taurus oriental et connus sous le nom de
Grande-Arménie. Mais beaucoup d'Arméniens habitent aussi les villes
de Cilicie au sud de cette même chaîne de montagnes, preuve vivante
de la place importante qu'occupe en Orient cette nation si admirable–
ment douée. Tous espèrent que l'ère des catastrophes et des massacres
est enfin fermée pour elle et que, sous l'égide de la Russie, elle pourra
enfin entrevoir de plus pacifiques et plus heureux destins.
Je ne puis ici passer sous silence que parmi les grands empereurs
militaires de Byzance, plusieurs furent d'origine arménienne. L'histoire
de l'armée byzantine fourmille de noms d'illustres chefs de cette même
race. Je répète que je voulais seulement dire ici quelques mots de l'anti–
que valeur guerrière de la nation arménienne et que je laisse à d'autres
le soin de parler de ce que ce peuple si brillamment doué a fait dans
le domaine des arts et des lettres.
Fonds A.R.A.M