puisque nous étions fiers d'être les propagateurs de la culture fran–
çaise en Orient; mais nos ennemis séculaires, profitant adroitement des
circonstances et appuyés fortement sur leurs bataillons de la cavalerie
de Saint-Georges, nous ont enlevé, par surprise, certaines de nos posi–
tions où nous croyions être définitivement installés.
Il s'agit maintenant de les en déloger. Pour ce résultat, nous comp–
tons beaucoup, permettez-moi l'expression, sur l'ânerie des Turcs. En
voulez-vous des preuves ? Je n'ai que l'embarras du choix.
Les Turcs, grisés de leurs succès faciles, se croient déjà les maîtres
du monde et voudraient imposer leur volonté à toutes les grandes puis–
sances. En ce qui concerne la France, malgré leur duo d'amour avec
les Pierre Loti et Bouillon Pacha, ils commencent par bannir l'admira–
ble langue française de leurs écoles; quant au fameux projet de l'ami–
ral américain Chester, grâce à des
bakchichs
habilement distribués, il
est voté à l'unanimité dans leur repaire, où siège leur grrrande assem–
blée nationale, un projet qui supprime d'un trait de plume toutes les
concessions précédemment accordées à la France.
Mesdames, Messieurs,
Le Turc, suivant son habitude, joue le rôle d'une fille publique dont
]
es sourires et les faveurs sont accordés à ceux qui payent le plus,
mais la source de ses sourires et de ses faveurs n'est pas loin d'être
tarie sur un corps en pourriture. C'est alors que les amants de cette fille
publique s'uniront pour creuser sa tombe et pour y enterrer d'abord
leurs perpétuelles jalousies, ainsi que ce nid de microbes qui a été la
cause principale de tous les malheurs des chrétiens d'Orient.
Mesdames, Messieurs,
Nous autres, Arméniens et Grecs, nous avons la bonne chance de
goûter le charme de ce noble pays gaulois; journellement, nous avons
l'heureuse occasion d'apprécier la parfaite urbanité et l'exquise cour–
toisie du peuple français. En ce qui concerne la politique, je ne suis
pas de ceux qui jugent les événements d'après les apparences; pour
être juste, il faut reconnaître que la meilleure charité commence par
soi-même. Quand vous avez un malade chez vous à soigner, vous ne
quittez pas sûrement son chevet pour porter secours à celui de votre
voisin et
vice-versa.
Pour ne pas être égoïste il faut reconnaître cette vérité. La France,
malgré sa victoire, n'a pas pu obtenir satisfaction, ses meilleurs amis
l'ayant abandonnée à son sort, ayant manqué à leur devoir primordial.
La France était obligée de penser tout d'abord à elle, c'était logique,
c'était naturel, c'était tout à fait humain qu'un relâchement se soit pro–
duit dans sa protection traditionnelle vis-à-vis des chrétiens d'Orient.
Fonds A.R.A.M