«
Mesdames et Messieurs,
«
Il est un peuple parmi ceux-là dont les volontaires se sont levés.
Ils ont cru et ils sont venus parce qu'ils ont cru, pensaient-ils alors,
que le drapeau aux trois couleurs devait devenir le linceul de leur
revendication humaine. C'est toute la question arménienne. Ah !
l'Arménie ! que connaît-on d'Elle ? En 1895, un grand cri d'horreur
retentit à travers l'Europe. Les chrétiens d'Orient sont massacrés. Et
les plus belles consciences firent entendre magnifiquement leur indi–
gnation. Et depuis on ne sait de l'Arménie que ceci : les Arméniens
sont
massacrés.
«
Non, ce n'est pas cela, ou du moins ce n'est pas que cela, l 'Ar –
ménie, c'est bien plutôt son indéfectible vitalité dans la mo r t
«
Toute son histoire la situe aux yeux du monde comme un rocher
battu par les flots de toutes les invasions et dans les orages de toutes
les tyrannies ; mais éternellement le rocher est resté inébranlablement
debout et c'est par quoi l'Arménie déborde infiniment les cadres) natio–
naux et s'élève jusqu'aux plus sublimes hauteurs d'un symbole
humain. »
Et M . Emile Pignot fait un raccourci émouvant de toute l'histoire
arménienne, qui n'est qu'une longue résistance aux ennemis de la
liberté des hommes et de la conscience des peuples.
Il dit que l'Arménie a porté séculairement, dans la personnalité mo–
rale qu'elle fut toujours, la déclaration, avant la lettre, des Droits de
l'Homme et du Citoyen.
Il continue :
«
Ses membres ont été meurtris, ses flancs déchirés, son "'iront cou–
ronné d'épines ; tout lui a été pris, volé, saccagé, mais envers et contre
tout, elle a ga r dé son âme .
«
Et c'est aujourd'hui à la conférence de Londres, qu'un certain
Bekir-Bey, représentant des massacreurs, vient dire aux diplomates
alliés qui l'écoutent : « I l n'y a pas de place en Turquie pour l 'Ar –
ménie. »
«
J'entends le sens de la phrase perfide. Oui, vous dites qu'ils sont
en petit nombre ; parbleu, vous les avez supprimés !
«
Mais, pour une fois, je suis d'accord avec le Turc ; i l n'y a pas
de place pour l'Arménie en Turquie : i l n'y a de place pour l'Arménie
que dans l'Arménie.
«
Tout à l'heure, mon cher âmi Turabian, vous qui, par votre vail–
lant journal
Aiguillon,
êtes à Marseille l'infatigable aiguillonneur de
toutes les pensées marseillaises vers votre belle nation, vous m'adres–
siez une sorte d'interpellation ministérielle. Je ne suis pas le président
du Conseil et veuillez considérer que ma conscience est en repos. Par–
lant de l'Arménie, je ne fais pas de politique. Je suis poète, je suis
peuple. Donc je ne suis pas de ceux qui après toutes les désinvoltures
Fonds A.R.A.M