Il serait absurde de dissimuler la réalité. Pour les raisons précédem–
ment développés, la sympathie théorique ou pratique des alliés ne
peut être d'une grande utilité en ce qui concerne la Grande-Arménie,
suivant une expression polonaise : : « Le
ciel est trop haut et la France
est trop loin
».
C'est la Russie qui se trouve à notre frontière; un seul
geste de cette puissance peut réduire en cendres tous les projets de
châteaux en Espagne élaborés par les autres grandes puissances au
sujet de la Grande-Arménie. Cette vérité doit être inculquée dans le
cerveau du peuple arménien pour que les mêmes erreurs néfastes ïie
puissent se reproduire à l'avenir.
Quant au traité de Lausanne, signé le 24 juillet 1923, entre les
alliés et la Turquie, nous le déplorons vivement, surtout en ce qui con–
cerne la Cilicie. Ce traité ne porte pas la signature de la Russie et de
l'Arménie; mais le traité d'Alexandropol, signé le 2 décembre 1920,
entre la Turquie et l'Arménie est aussi néfaste que le traité de Lau–
sanne.
Le gouvernement arménien de l'époque, étant resté sourd aux con–
seils amicaux de la Russie, nous a conduits à l'humiliation du traité
d'Alexandropol et avec le traité de Lausanne M. Briand s'est chargé de
nous éliminer complètement de la Cilicie Arménienne. Le Tigre, avec
la Cilicie, nous assurait au moins quelque chose de solide, une terre de
repos, en attendant la complète réalisation de nos aspirations natio–
nales, tandis que le rusé renard de la diplomatie nous privait de cette
maigre consolation et faisait perdre en même temps à la France une
région très fertile.
Sans la possession de la Cilicie, la Syrie ne sera qu'une charge pour
la France. La puissance instalée en Syrie doit avoir en sa possession
la Cilicie pour ne pas être obligée de dépenser beaucoup d'argent pour
un maigre résultat qui ne couvrira jamais les dépenses.
Fonds A.R.A.M