Les Riehards arméniens
J'avais dit, dans un chapitre précédent, qu
'
à
l'armistice la caisse de
la Délégation nationale arménienne était complètement vide à cause
de l'avarice des riches et
à
la suite de la négligence de la Délégation
qui n'avait montré aucune activité sérieuse pour mettre nos finances à
la hauteur des circonstances.
Les richards arméniens ont une prédilection marquée pour le pat r io–
tisme
à
bon marché et chacun d'eux envisage la question arménienne
au point de vue de son intérêt personnel. Leur influence néfaste s'est
exercée dans cette direction auprès de la Délégation au cours de la
guerre et après l'Armistice.
On connaît le profond respect que je professe pour notre vénérable
chef. Il m'est arrivé quelquefois de formuler certaines critiques con–
cernant sa gestion des affaires arméniennes; du coup, j'étais mis à
l'index
par nos riches compatriotes qui ne toléraient aucune critique
au sujet de Boghos Pacha. Il était indifférent à ces messieurs de per–
dre la cause arménienne, pourvu que le prestige du chef restât intact,,
cela dans Tunique but de sauvegarder leurs intérêts purement person–
nels. Ils savaient très bien qu'avec les manières délicates de Boghos
Pacha, aucune pression ne serait exercée
à
leur égard pour faire délier
les cordons de leurs bourses, tandis que la présence d'un Comité de
Salut Public entraînait un danger permanent pour leur égoïsme et que
la présence des hommes énergiques
à
la tête de ce Comité permettait
d'employer au besoin des manières cavalières dans l'intention de
secouer un peu leur indifférence.
Je sais de la meilleure source que la fortune de Boghos Pacha con–
sistait en grande partie en propriétés foncières en Egypte. A cause de–
là dépréciation de ses terrains au cours de la guerre, malgré sa bonne
volonté, notre chef n'aurait pu consacrer des sommes importantes pour
le triomphe de notre cause. Cette situation particulière répondait
admirablement aux vœux de nos riches patriotes en théorie et leur
fournissait le prétexte de se dérober
à
leur élémentaire devoir patrioti–
que. Du moment que le chef ne disposait pas de grosses sommes de
sa propre fortune au service de l'Arménie, eux,
les pauvres
malheureux,
n'avaient pas besoin de se montrer plus royalistes que le roi. Les
apparences plaidaient en leur faveur et ils n'ont pas manqué de pro–
fiter de cette occasion pour endormir les remords de leur conscience^
Fonds A.R.A.M