M. AHARON I AN
M. Aharonian est un grand écrivain et un g r and orateur qui possède
au plus haut degré le
secret
d'électriser la foule. Ses adversai res pol i –
tiques, tout en le critiquant, ne se privent j ama i s d'écouter ses confé–
rences. En raison même des souffrances endurées dans les cachot s du
gouvernement
du tsar pour la cause arménienne, il joui t incontesta–
blement d'une certaine popularité qui persiste dans différents milieux,
malgré ses erreurs criardes dans la direction de la politique de l'ancien
gouvernement arménien.
J'ai eu personnellement d'excellents rappor t s avec lui. Cette circons–
tance particulière rend ma tâche pénible, mais le devoir avant tout :
amitié, parenté, toutes autres considérations doivent s'effacer lorsqu'il
s'agit de l'intérêt suprême de la patrie arménienne et du salut de tout
un peuple.
Après avoir sacrifié un million d'Arméniens, après avoir perdu tout e
notre richesse nationale et individuelle, il serait monstrueux, il serait
même lâche qu'il ne se trouvât pas parmi nous un seul homme qui ait
le courage de piétiner toutes les considérations pour clamer la vérité
à travers le monde. Tan t pis pour ceux qui se présentent devant le
flambeau de la Vérité que nous avons l'audace de tenir dans nos
mains.
Le plus grand tort de M. Aharonian est celui de s'être présenté
comme concurrent de Boghos Pacha , dont il a voulu éclipser le p r e s –
tige pour donner libre cours à son ambition personnelle, s'efforçant
d'occuper une place qui n'était pas la sienne et que le vœu unanime
du peuple avait assignée à Boghos Pacha Nubar . Voilà l'erreur fonda –
mentale d'où
sont
venus tous les malheurs de l'Arménie.
En arrivant à Paris, le premier devoir de M. Aharonian était de
s'incliner devant le grand chef et d'occuper la place de conseiller
intime à côté de lui. Le peuple arménien aurait appl audi à ce geste
d'un véritable homme d 'Et a t et aurait assigné dans son cœur une place
précieuse à M. Aharonian. Au lieu de cela, ce dernier a cherché des
satisfactions éphémères. Si M. Aharonian s'était donné la peine d'étu–
dier la mentalité de l'écrasante majorité du peuple arménien, il n ' au –
rait probablement pas persisté dans son erreur. Pour t ant , l'attitude
magnanime du héros national arménien aurai t dû suffire pour ouvrir
les yeux à M. Aharonian.
Fonds A.R.A.M