l'entente Franklin-Bouillon et Mustapha Kemal, concernant la Petite-
Arménie (Cilicie). A la suite de ces deux calamités, à la Réunion de
Londres de 1920, les Alliés proposent d'une manière très vague la
formation d'un Foyer National Arménien, sans préciser lequel. Devant
cette sinistre ironie de mauvais goût, notre chef, Boghos Nubar Pacha,
envoie sa démission au patriarche arménien de .Constantinople. Sur
son insistance et sur celle du patriarche, M. Noradounghian entre en
scène pour la première fois et se charge, par acquit de conscience, de
la très délicate mission de conduire la politique arménienne. C'était
le moment où les Turcs imposaient leurs conditions aux grandes puis–
sances victorieuses; par conséquent, la création d'un Foyer National
Arménien ne dépendait que du bon plaisir de nos ennemis. M. Nora–
dounghian se rend à Lausanne, fait des tentatives désespérées auprès
d'Ismet Pacha. A sa proposition, le chef de la Délégation turque
répond textuellement : « Les Arméniens n'ont pas besoin d'un Foyer
National ; en Turquie, partout, ils seront dans leur foyer. »
(
sic)..Et
M. Riza-Nour, le second délégué turc, au premier mot prononcé à la
Conférence de Lausanne, concernant le Foyer Arménien, quittait la
salle de la Conférence, faisant claquer la porte à la manière turque, et
cela à la face des représentants des grandes puissances victorieuses de
ia guerre, réunis autour du tapis vert. Nous étions bien loin du beau
temps où le bon Clemenceau mettait à la porte Damad Fériol Pacha
et sa Délégation, en les traitant d'assassins.
J'estime qu'il était maladroit, de la part de notre Délégation, de
s'adresser aux bons offices de M. Noradounghian dans notre différend
avec la Turquie. Si la nécessité s'en faisait sentir, tout au plus
M. Noradounghian ne pourrait agir que comme un simple médiateur;
ayant été pendant trente-cinq ans au service de l'Empire ottoman, il
lui était impossible de prendre une attitude hostile vi.s-à-vis d'un
empire qui l'avait porté à la tête d'un de ses plus grands départe–
ments; d'ailleurs, M. Noradounghian a eu la finesse de ménager « la
chèvre et le chou ».
Nous espérons que cette explication claire et nette dissipera la
légende accréditée qui représente M. Noradounghian au service de
l'Arménie au détriment de la Turquie. En raison de sa situation parti–
culièrement délicate et de sa tenue correcte, le peuple arménien n'a
aucune raison sérieuse de lui refuser son estime, et d'autant plus qu'en
1915,
M. Noradounghian a fait parvenir sa démission de sénateur au
Gouvernement turc pour protester, je crois, contre les massacres de
ses compatriotes; c'est une justice que nous lui rendons en toute fran–
chise en le portant à la connaissance de l'opinion publique.
Fonds A.R.A.M