«
Soyez tranquille, nous allons envoyer une Commission à Moscou en
vue de cette entente. » Nos lecteurs savent comment cette Commission
a échoué dans sa mission.
Le petit incident que je viens de relater concernant M. ' No r adoun -
ghian prouve la jalousie qui animait les membres des deux délégations
vis-à-vis les uns des aut res . L'existence de deux délégations surpren–
dra certainement mes lecteurs; leur surprise augment era encore quand
ils connaîtront la direction o;: posée de ces deux délégations. La Délé–
gation nationale arménienne était dirigée par S. E. Boghos Nuba r
Pacha , qui était entouré par les membres du Parti démocrate libéral.
La Délégation de la République arménienne avait comme chef
M. Aharonian, qui était entouré de ses cama r ades du parti « Ta ch -
naktzoutun ».
Dès le début de l'existence de ces délégations, une lutte de prestige
s'est engagée entre deux partis au détriment de la cause arménienne.
La formation de la Légion arménienne et la politique cilicienne étaient
l'œuvre de la délégation de Boghos Pacha . M. Aharonian, dans le suc–
cès de Boghos Pacha en
Cilicie,
trouvait une diminution de son pr es –
tige et de celui de son par t i ; par conséquent, tout en ayant l'air de ne
pas contrecarrer la politique arménienne en Cilicie, il n'en travaillait
pas moins pour conduire à un insuccès la politique de son concurrent.
Après l'armistice, le gouvernement français avait suggéré l'idée de
transporter les Arméniens de Cilicie sur le territoire de la République
arménienne. Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que cette
idée a germé subitement dans l'imagination des dirigeants du Quai
d 'Orsay. Sûrement, c'était le résultat d'une entente avec la Délégation
de M. Aharonian, lequel devenait par ce fait « persona gra t a » auprès
du Quai d'Orsay, tout en portant un coup de maître au prestige de
Boghos Pacha. Il est bien
entendu que
M. Aharonian se garda i t d'affi–
cher publiquement ses intentions; au contraire, il se présentait devant
le peuple ajménien comme le plus ardent partisan de la constitution
d'une Grande-Arménie, la Cilicie comprise. Cette tactique sournoise de
M. Aharonian ne devait pas déplaire à M. Briand pour mater à sa guise
les prétentions de Boghos Pacha . A l'appui de cette affirmation, une
conversation avec M. Noradounghian, à l'hôtel du Louvre à Par i s , où,
répondant à une de mes questions, il m'a adressé cette phrase très
significative : « Nous , nous n'avons rien à faire en Cilicie. » La reli–
gion de mes lecteurs sera vite éclairée, quand j ' au r a i ajouté qu ' à cette
époque M. Noradounghian était le conseiller officiel de la Délégation
de M. Aharonian. D'ailleurs, j ' a i reproduit cette phrase dans mon livre
arménien « Devant le Tribunal du Peuple Arménien ». Ni M. No r a –
dounghian, ni M. Aharonian n'ont jugé à propos de me donner un
démenti à ce sujet.
Pour ne pas être en reste de politesse avec M. Aharonian, notre
vénérable chef,. Boghos Nuba r Pacha , poussé et inspiré par le par t i
Fonds A.R.A.M