L'Angleterre, après nous avoir utilisés pour ses intérêts et conduits
à notre perte, nous refuse même l'hospitalité de son territoire.
La France, plus humaine et plus consciente de son devoir, a eu au
moins la générosité d'accepter sur son territoire ce que les autres
repoussaient.
Dans ces conditions, notre seule planche de salut, c'est la Russie, le
seul rayon d'espérance qui luise à l'horizon assombri du ciel arménien.
Maintenant, nous allons donner une idée de la mentalité des mem–
bres de la Délégation de la République arménienne, au point de vue
des convenances diplomatiques.
Je me trouvais à Paris aussitôt après l'armistice qui coïncidait avec
l'anniversaire de la Jeune République arménienne qui a eu lieu dans
les salons de l'Hôtel Majestic, sous les auspices de la Délégation de la
République arménienne. A mon entrée dans la salle, j'avais remarqué
que la scène ainsi que la salle étaient décorées avec des drapeaux
arméniens. C'est en vain que je cherchais la présence d'un drapeau
français; ma surprise a été encore plus grande quand j'ai constaté
que le programme de la soirée n'était composé que de morceaux alle–
mands, malgré la présence des invités français. Me trouvant assis à
côté de M. Varantian,, ambassadeur de la République arménienne à
Rome, je me suis fait un malin plaisir de lui adresser cette question :
«
Monsieur Varantian, en qualité d'ambassadeur, vous êtes plus qua–
lifié que moi pour connaître le protocole à l'usage des diplomates; je
me permets de vous demander si vous ne remarquez rien d'anormal
dans la décoration de la salle et dans la rédaction du programme. »
Sur la réponse négative de notre éminent diplomate, je lui fais, part
de ma pensée qui considérait cet acte comme un manque de tact de la
part de la Délégation de la République arménienne. Le lendemain, à
un banquet donné en l'honneur de M.et M
me
Aharonian,chez Poccardi,
me trouvant à table face à face avec le chef de la Délégation, j'ai
profité de cette occasion pour lui faire la même observation en le
priant de vouloir bien donner des instructions afin d'éviter que pareil
fait ne se reproduisît le lendemain, à l'occasion de la réception offi–
cielle.
Au cours de ce banquet, le directeur du journal arménien
La Renais–
sance,
dans l'intention de faire plaisir à son chef, faisait des plaisan–
teries de très mauvais goût au sujet de S. E. M. Noradounghian,
conseiller de la Délégation de la République arménienne, en provo–
quant ainsi l'hilarité de son chef. Mon voisin de table, M. Darayan,
volontaire arménien sur le front français, Croix de Guerre, justement
indigné comme moi de ces tristes agissements, a mis fin à cette plai–
santerie déplacée.
A la fin du banquet, je me suis approché de M. Aharonian pour lui
dire que nous n'avions plus rien à attendre des Alliés et qu'il fallait
s'entendre à tout prix avec la Russie. M. Aharonian m'a répondu :
Fonds A.R.A.M