notre puissante ennemie la Turquie. En échange d'une obéissance
aveugle, l'Angleterre fournissait à la petite armée arménienne vingt-
cinq mille fusils et équipements militaires qui tombaient, au premier
choc, en possession des armées russo-turques.
Au moment de ces événements, il existait à Paris une Délégation
officielle de la République arménienne, sous la présidence de M. Aha -
ronian ; en réalité, toute la politique du gouvernement arménien était
dirigée par cette Délégation, dont les instructions étaient exécutées
consciencieusement par le gouvernement du pays. Pour être dans le
vrai, c'est le Foreign-Office qui dirigeait la politique arménienne, sui–
vant l'exigence des intérêts britanniques.
Les Anglais, tout en encourageant les Arméniens à la résistance,
avaient pris la précaution de retirer, avant le désastre de l'armée armé–
nienne, leurs dernières troupes cantonnées en Arménie, au nombre de
500
hommes. Cette manœuvre n'avait pas suffi à ouvrir les yeux à la
Délégation de la République arménienne, qui persistait à recevoir ses
ordres de Londres.
Cette Délégation de malheur, malgré le changement de la politique
arménienne à l'égard de la Russie, traîne son existence illégale à
Paris, travaille dans les coulisses et prépare de nouveaux malheurs au
peuple arménien, se croyant munie d'un pouvoir céleste pour sauver
le peuple arménien malgré lui. Elle voudrait le lancer dans de nouvelles
aventures, mais cette sinistre comédie ne trompe plus personne. L'Ar–
ménie n'a plus besoin de l'appui de l'Europe, elle n'a plus de sang
dans les veines pour assurer les conquêtes de l'impérialisme de ses
grandes alliées de la guerre. Nous connaissons maintenant la valeur
des promesses de l'Europe civilisée, et la série des mensonges qui a
conduit le peuple arménien à l'abattoir pour servir uniquement les
intérêts des grands financiers. En voilà assez, que nos beaux parleurs,
nos patriotes professionnels ne se présentent plus devant un peuple
crucifié; qu'ils voilent leurs figures sous.là honte de leur trahison et que
l'Europe elle-même ait un peu de pudeur pour respecter notre deuil
national. La Russie et nous sommes de vieilles connaissances, nous
pouvons très bien nous entendre sans que l'Europe intervienne dans
une affaire qui ne la regarde plus.
L'héroïsme du peuple arménien pendant la guerre et sa fidélité aux
alliés nous a conduits au traité de Lausanne qui nous a livrés à la
Turquie, dont le premier soin a été de nous conduire à la frontière,
après nous avoir dépouillés de tous nos biens et immeubles. A la suite
d'un pareil abandon et d'une pareille trahison de la part de nos grands
alliés de la guerre, il faut que nous soyons fous à lier pour accorder
encore le moindre crédit à leurs promesses mensongères.
L'Amérique, après avoir repoussé brusquement la proposition d'un
mandat américain en Arménie, a fermé hermétiquement ses portes
devant les débris de la nation arménienne.
Fonds A.R.A.M