La démission du Sovnarkom, le 31 juillet, vaut à Cha-
houmian les reproches de Staline : « Le champ a été rendu
libre pour nos adversaires politiques (19). » Ignorait-il la
situation réelle de Bakou ou voulait-il rendre Chahoumian,
pour qui Lénine avait beaucoup d'estime, responsable de
l'échec qu'il avait essuyé en n'obtenant pas la majorité au
Soviet (20) ?
Composé de S.R., de mencheviks et de dachnaks, un
nouvel organisme, sous la direction du S.R. Sadovski, succède
le 1
er
août 1918 au Sovnarkom, et prend le pouvoir sous le nom
de Directoire Centre-Caspienne.
Renouvelant son appel du 25 juillet à Berlin, Tchitcherine
adresse le 2 août à Helferich, qui représente l'Allemagne à
Moscou, une note de protestation contre la poursuite de
l'avance turque. La réponse à ses deux appels est évasive.
Après la chute du pouvoir des Soviets à Bakou, les Anglais,
qui étaient déjà en contact avec les S.R. et les dachnaks,
n'attendaient que cette occasion pour s'y installer. Désormais,
la course est ouverte entre Turcs et Anglais pour la possession
de Bakou. Le général Dunsterville forme rapidement une
brigade, sous le commandement du colonel Stokes, chargé de
soutenir les défenseurs de la ville. Ses troupes, embarquées
dans le port persan d'Enzeli, n'arriveront à Bakou que le 4
août, alors que les troupes arméniennes, restées pratiquement
seules sur le front après le retrait des gardes rouges, reculent
avec de lourdes pertes devant les Turcs. Le détachement
britannique, fort de 1 800 combattants seulement, constitue
un appoint peu efficace dans une lutte inégale, surtout après la
défection de Bitcherakhov qui, flairant la défaite, se retire afin
de rejoindre Denikine qui opère dans le Nord. Les Anglais
comptent, en réalité, par leur présence, rehausser le moral des
combattants et réorganiser la résistance en lui offrant son
encadrement. Citons à ce propos le rapport du consul de
France adressé le 12 août de Krasnovodsk et qui décrit la
(19)
Staline (148), vol. IV, p. 235.
(20)
On connaît le mépris de Staline pour les intellectuels du parti. La rivalité entre
Chahoumian et Staline date de 1905 et on soupçonne Staline d'avoir joué un rôle assez
obscur dans l'arrestation de Chahoumian en 1908.
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